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L’unité chargée d’enquêter sur les allégations de corruption impliquant trois membres du Conseil présidentiel de transition (CPT) et l’ancien président de la Banque nationale de crédit (BNC) a publié mercredi son rapport. Les enquêteurs ont confirmé que le stratagème de corruption avait effectivement eu lieu et ont transféré l’affaire devant le tribunal haïtien pour poursuites.
PORT-AU-PRINCE — L’Unité Haïtienne Anti-Corruption (ULCC) a appelé à des poursuites judiciaires contre trois membres du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) et l’ancien président de la Banque Nationale de Crédit (BNC) à la suite d’une enquête de deux mois sur un scandale de corruption impliquant des pots-de-vin. , abus de pouvoir et entrave à la justice.
Dans un Rapport de 12 pages Publié mercredi, l’ULCC a présenté des preuves de corruption, d’entrave à la justice et d’abus de pouvoir contre les individus impliqués. L’agence gouvernementale anti-corruption a exhorté les autorités judiciaires à poursuivre rapidement les responsables.
Le rapport cite Louis Gérald Gilles, Emmanuel Vertilaire et Smith Augustin, tous membres du CPT, ainsi que Raoul Pascal Pierre-Louis, ancien président du conseil d’administration du BNC, comme personnalités clés de l’affaire. Selon les enquêteurs, il existe suffisamment de preuves pour accuser ces quatre individus de corruption et d’entrave.
Origines du scandale
L’enquête a débuté après que Pierre-Louis a accusé les membres du CPT d’avoir exigé un pot-de-vin de 100 millions de gourdes (environ 1 million de dollars) pour conserver son poste de président du BNC. Dans un lettre au Premier ministre par intérim Garry Conille le 25 juillet, Pierre-Louis a allégué que les conseillers avaient abusé de leurs fonctions à des fins personnelles.
En réponse à ces allégations, des citoyens et diverses institutions ont exigé la démission des responsables accusés. Gilles, Vertilaire et Augustin ont nié tout acte répréhensible, qualifiant les accusations de politiquement motivées et de complot visant à discréditer le CPT.
Tandis que Gilles se défendait publiquement à travers des apparitions dans les médias, Vertilaire et Augustin menaçaient de poursuivre Pierre-Louis pour diffamation en déposant des citations à comparaître devant un tribunal haïtien.
Malgré l’enquête en cours, le gouvernement de transition limogé Pierre-Louis et le conseil d’administration de la BNC le 8 août. Dans une lettre adressée à Pierre-Louis, le Premier ministre Conille a annoncé la décision du gouvernement, précisant que la Banque de la République d’Haïti (BRH) nommerait un nouveau comité de gestion pour superviser la BNC.
Résultats de l’enquête
Les témoignages de plus d’une douzaine de témoins ont révélé des divergences dans les déclarations faites par les trois membres du CPT et Pierre-Louis. Bien que les fonctionnaires aient nié avoir sollicité des pots-de-vin, les enquêteurs ont découvert un stratagème dans lequel Pierre-Louis émettait irrégulièrement des cartes de crédit avec des limites excessives à chaque conseiller sans l’approbation du conseil d’administration.
Selon le rapport, deux réunions en mai 2024, une à l’hôtel Oasis à Pétion-Ville et une autre dans la résidence privée de Pierre-Louis, ont été au cœur de la planification du projet. L’ULCC a rapporté que les membres du CPT ont chacun reçu des cartes de crédit totalisant 1,8 million de gourdes (20 000 dollars) de crédit disponible – un montant bien supérieur à la limite établie par les règles régissant la banque.
“Ces cartes ont été émises sous l’instruction directe de Pierre-Louis, sans passer par le conseil d’administration”, note le rapport. Les enquêteurs ont également accusé les membres du CPT de corruption passive et Pierre-Louis de corruption active pour son rôle dans l’approbation des pots-de-vin.
« En acceptant l’offre de Pierre-Louis, les conseillers ont abusé de leurs fonctions et se sont livrés à des pots-de-vin, violant les articles 5.5, 14 et 21 de la loi anti-corruption de 2014 », a déclaré l’ULCC.
Actions judiciaires et avenir des membres du CPT
L’ULCC a exhorté les tribunaux haïtiens à engager des poursuites judiciaires contre les quatre individus impliqués dans le scandale. De plus, l’agence a demandé l’extradition de Pierre-Louis des États-Unis, citant à la fois la Convention interaméricaine contre la corruption (ICCC) et la Convention des Nations Unies contre la corruption (CNUCC). Le rapport fait également référence au traité d’extradition entre Haïti et les États-Unis et à la loi de 1912 sur l’extradition des fugitifs.
L’enquête impliquait également Lonick Léandre, consul d’Haïti à Santiago, en République dominicaine, dans la facilitation du stratagème de corruption. L’ULCC a recommandé des poursuites contre Léandre en vertu de la loi anti-corruption de 2014.
Alors que le processus juridique se déroule, des questions demeurent quant à l’avenir des membres du CPT. Deux des organes nominatifs du CPT ont déjà demandé la démission de leurs représentants et des discussions sur d’éventuels remplacements sont en cours.
Le rapport d’enquête étant désormais public et l’affaire transférée au tribunal de première instance de Port-au-Prince, les procédures judiciaires contre les accusés ont officiellement commencé.
L’ULCC a invité les médias à une conférence de presse ce jeudi après-midi, le 3 octobre, pour examiner les conclusions de l’enquête et expliquer pourquoi l’institution demande la mise en accusation des cinq individus.