Cela fait des lustres qu’on dit que le pays est en crise. Mais, nous ne sommes plus dans un « état passager » pour lequel plusieurs formules ont été expérimentées. En réalité, cette situation qui perdure est devenue un « status. » Ce n’est plus une simple crise. La République est maintenue dans une anarchie où l’État a perdu totalement le contrôle de ses appareils répressifs, de gouvernance et de stabilité. Il s’est développé une économie criminelle entretenue par des barons politiques et de puissants acteurs économiques ayant des ramifications avec des contrebandiers et des trafiquants étrangers. Et la population paie quotidiennement au prix de son sang, le continuum des activités terroristes et des trafics illicites.
Au point culminant de cette déconstruction sociétale à nos jours, rien de concret n’a été fait pour sortir le pays de l’enfer. Une fraction réactionnaire antipatriotique des élites politiques et économiques en ont ainsi décidé. La majorité saine du pays a le devoir patriotique et moral de renverser la vapeur pour la survie de la Nation.
GOUVERNANCE
Que faire ? Divorcer tout de suite d’avec les mauvaises pratiques d’hier et moraliser la politique au service du bien commun. Aujourd’hui, 90% des nominations effectuées dans les ministères, les unités de la primature et dans la diplomatie sont essentiellement des parents, copains, copines des membres du CPT, du PM et des éléments issus des secteurs représentés au Conseil. Le reste relèverait de la pure corruption, dans les traces de l’affaire de la BNC. La publication d’une pareille liste ferait un réel esclandre.
Les velléités affichées ces derniers temps avec muscles, pour remanier le cabinet ministériel ou renvoyer le premier ministre ou replâtrer le conseil présidentiel, tout en gardant le même fonctionnement, traduisent tout simplement l’exécution de l’agenda de la camarilla qui veut contrôler la transition. Trois centres d’intérêts : le trafic de drogue, d’armes et d’organes, une réforme constitutionnelle sur commande et des élections truquées sur mesure.
Dans l’espèce, il n’y a en toute conscience aucune possibilité pour que le CPT et le PM conduisent la Nation à de bonnes élections en 2025 après un retour de la paix publique et la réussite des réformes. Les conflits d’intérêts claniques mêlés à la suffisance des uns et des autres sont des éléments majeurs qui ont créé deux camps irréconciliables au plus haut sommet de l’État. C’est la bataille des fauves tandis que des trublions s’agitent sur les plateformes numériques et dans une certaine presse.
Une Nouvelle Gouvernance Intérimaire est donc indispensable au plus vite en considérant qu’aucune autorité actuellement en fonction ne bénéficie d’aucune légitimité populaire ou constitutionnelle. Aussi, recommandé-je :
1. Adoption d’une Convention Nationale en posant un « acte de puissance publique » vu l’incongruence des dispositions constitutionnelles avec la « veritas rerum » qui est la réalité des faits.
2. Par Proclamation découlant de la Convention Nationale, constitution d’un nouveau Pouvoir Exécutif avec
un Président Provisoire de la République issu de la Cour de Cassation ou un Triumvirat dénommé Conseil National de Transition sous la présidence du Juge avec deux membres issus du secteur politique et de la société civile.
3. Nomination par la Présidence, soixante-douze heures après son investiture, d’un Gouvernement d’Exception d’Union Nationale, en concertation avec les signataires de la Convention Nationale et les forces vives du pays, avec ou sans Premier Ministre suivant l’heureuse expérience faite avec la Juge Ertha Pascal Trouillot ;
4. Création de l’Organe de Contrôle de la Transition avec des représentants de la diaspora et des parties prenantes ne siégeant pas au Pouvoir Exécutif.
5. Création d’un Conseil National de Sécurité avec des experts nationaux et de la diaspora, comme organe stratégique et consultatif de l’Exécutif.
6. Exécution par le Gouvernement d’Exception de la feuille de route de la transition avec prioritairement comme mission de :
a) mettre sur pied sans délai une Unité Spéciale sous Commandement Unifié avec les structures spécialisées des FAD’H et de la PNH afin de rétablir la sécurité ;
b) préparer un Programme National d’Urgence pour la réinsertion des jeunes des quartiers populaires, la relocalisation des familles déplacées et l’assistance rapide aux rapatriés et aux nombreuses victimes des actes de terrorisme ;
c) préparer un Plan de Relance Économique pour venir en aide aux paysans producteurs, aux petits entrepreneurs décapitalisés et aux grands investisseurs en difficulté.
c) création d’un Fonds Spécial de Reconstruction afin de mettre le pays en chantier à travers de grands travaux pour reloger l’administration publique, construire des infrastructures de base et des logements sociaux à bon marché.
d) renforcer l’indépendance de la justice pour favoriser la tenue des procès de l’assassinat du Bâtonnier Monferrier Dorval, du Président Jovenel Moïse et veiller au traitement rigoureux de tous les dossiers de crimes financiers et de sang dénoncés par la clameur publique ou autres.
e) créer un Parquet Financier National pour combattre la corruption et instituer une Commission d’Enquête d’État pour auditer l’ensemble l’administration publique, les collectivités territoriales, les missions diplomatiques et consulaires, les institutions étatiques à caractère financier et les entreprises mixtes de l’État, de 2000 à 2024.
f) entamer les grandes réformes institutionnelles jusqu’au référendum constitutionnel.
7. Construction du processus électoral suivant les prescrits de la nouvelle constitution, pour doter la République d’un nouveau personnel politique démocratiquement élu.
SÉCURITÉ
Face à l’évidence du cuisant échec de l’actuel Pouvoir Exécutif, le Premier Ministre Conille s’est plaint publiquement du non respect des engagements pris par les partenaires internationaux. Il n’a pas compris que la réticence de la communauté internationale relève d’un manque de confiance dans les dirigeants en fonction à cause des cas avérés de corruption, de clientélisme politique et de la collusion de certains dignitaires du pouvoir avec les milieux mafieux. Le refus de livrer des armes létales aux actuelles autorités en est la preuve. Les grandes agences de renseignements dans le monde possèdent le casier de certaines personnalités liées au CPT et au Gouvernement qui seraient trempées dans la vente des matériels aériens et maritimes des FAD’H, des mitraillettes de la PNH, des engins de la CNE et des TPTC, des matériels sanitaires destinés aux hôpitaux publics, dans des cas de blanchiment, de commissions perçues sur des contrats passés entre l’État et des compagnies haïtiennes et étrangères et des tractations souterraines pour l’exploitation de certaines ressources minières en dehors des normes. Les nombreux voyages, rencontres et réunions à l’étranger aux frais du trésor public, les manœuvres de cabinets de lobbyistes grassement rémunérés n’ont pas pu changer la donne. Quant au Conseil Présidentiel de Transition qui ne jure que par un remaniement ministériel ou le remplacement du Premier Ministre, il est une nébuleuse budgétivore. C’est le seul corps arbitral du monde dont les secteurs qui le composent s’autorisent à participer aux compétitions qu’il organise face à d’autres adversaires invités à « donner quorum » pour la galerie. Tous les conseillers savent que leur destin est lié. Chacun détient le secret de l’autre. De plus, le Président Voltaire du CPT, affichant une impuissance caractérisée par l’effondrement moral de son institution, a sollicité du Secrétaire Général des Nations Unies, le redéploiement de troupes étrangères en Haïti à l’exemple de la MINUSTAH de triste réputation.
Pour mémoire, Haïti a déjà reçu de 1993 à aujourd’hui, huit missions onusiennes :
– 1993-1996 Mission des Nations Unies en Haïti (MINUHA)
– 1996-1997 Mission d’Appui des Nations Unies en Haïti (MANUH)
– 1997 Mission de Transition des Nations Unies en Haïti (MITNUH)
– 1997-2000 Mission de Police Civile des Nations Unies en Haïti (MIPONUH)
– 2000-2001 Mission Internationale d’Appui en Haïti (MICAH)
– 2004-2017 Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti (MINUSTAH)
– 2017-2019 Mission des Nations Unies pour l’Appui à la Justice en Haïti (MINUJUSTH)
– 2019 à date Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH)
C’est le Secrétariat Général de l’OEA qui reconnaît dans un Communiqué émis le 8 août 2022 : « la crise institutionnelle que vit Haïti est le résultat direct des actions des forces endogènes du pays et de la communauté internationale. Les 20 dernières années de présence de la communauté internationale en Haïti constituent l’un des échecs les plus importants et manifestes de mesures mises en œuvre et d’actions réalisées dans le cadre de quelque action de coopération internationale que ce soit. » (Sic) Sans commentaires. Haïti est fatiguée des actes de contrition, d’où qu’ils viennent !
En effet, pour tous les milliards décaissés par des ÉTATS étrangers au nom de leur PEUPLE pour le PEUPLE HAÏTIEN, le résultat est pour le moins invisible ou insuffisant. Dommage que la Pétition en date du 2 juin 2020 du Président de la Force Louverturienne Réformiste au Secrétaire Général des Nations Unies, lui demandant de commander un audit international sur l’ensemble des « missions onusiennes déployées en Haïti » est restée jusqu’à présent lettre morte. Quatre ans plus tard, nous en sommes à la case départ, entre supputations et accusations avec à l’esprit des cas de viol, de prostitution ou la contamination au choléra d’eaux fluviales artibonitiennes. S’il y a eu une reconnaissance officielle des faits, les victimes haïtiennes n’ont jamais eu droit à une équitable justice. Même le suicide dans sa chambre d’hôtel, le 7 janvier 2006 du Chef militaire de la MINUSTAH, le Général brésilien Urano Teixeira da Matta Bacellar, n’a pas été totalement élucidé par l’enquête approfondie promise par le Secrétaire Général d’alors Koffi Annan.
Il appartiendra alors, au nouveau Pouvoir Exécutif de proposer un NEW DEAL, de négocier des accords bilatéraux ou multilatéraux avec les États partenaires et les Organismes supranationaux, de trouver un partenariat gagnant-gagnant, une coopération militaire en appui aux forces de sécurité nationale :
a) en armements adéquats et matériels nécessaires pour combattre le terrorisme ;
b) en infrastructures militaires et de police ;
c) en formation continue d) en institutionnalisant une véritable Agence d’Intelligence et de Renseignements capable de servir le pays et participer aux travaux des services de la région. Ainsi, la République Haïtienne sera prête à piloter souverainement le Plan Louverture à l’instar d’un Plan Marshall, pour asseoir son programme intégré de développement durable et sortir le pays des ornières de l’assistance humanitaire et de l’humiliante dépendance internationale. Puissent ces propositions retenir l’attention de mes concitoyens, des amis et frères d’outre-mer. Je les invite à une réaction patriotique et à un support citoyen.
En cette fin d’année, le sauvetage national sera ou ne sera pas. Le vin est tiré…
Ensemble, Maintenant !
Haïti, le 7 Novembre 2024
Dr. Emmanuel Ménard
cosmosmenard@yahoo.fr