Quand les valets de l’international veulent imposer un référendum illégitime, le peuple réclame la sécurité et une économie tournée vers son mieux-être
par Daniel Alouidor
Depuis la chute des grands visionnaires que furent l’empereur Jacques 1er et le roi Henri Christophe, Haïti semble avoir cédé ses rênes aux puissances étrangères. Là où ces figures historiques ont défié les empires pour affirmer la dignité noire et l’indépendance d’une nation née de la révolte contre l’esclavage, leurs successeurs n’ont eu de cesse de ployer l’échine devant les injonctions venues d’ailleurs.
Il faut dire les choses sans détour : les dirigeants haïtiens ont troqué la souveraineté nationale contre des miettes de reconnaissance internationale. Le comble de la soumission fut atteint avec l’acceptation honteuse d’une dette imposée par l’ancienne puissance coloniale, dette censée compenser… la perte des esclaves. Cette absurdité historique, acceptée par nos élites dociles, a condamné des générations entières à l’appauvrissement, à la dépendance et à la mendicité diplomatique.
Depuis l’ère Duvalier, et davantage encore après 1986, la nation est livrée pieds et poings liés à des « partenaires » qui dictent tout, de la politique monétaire aux réformes constitutionnelles, en passant par la couleur des uniformes scolaires. Les gouvernements se succèdent, mais l’essentiel demeure : les décisions importantes ne se prennent ni à Port-au-Prince, ni à Cap-Haïtien, ni même dans les urnes, mais à Washington, à Paris ou à Ottawa.
Aujourd’hui, sous le prétexte de « réformes nécessaires », les mêmes forces internationales qui ont toujours méprisé notre indépendance poussent leurs marionnettes locales à imposer une nouvelle constitution. Un texte qui n’émane pas du peuple, qui n’a fait l’objet d’aucun débat national sincère, et qui est brandi comme une obligation, une commande, une feuille de route étrangère.
Et pourtant, le peuple haïtien ne demande pas de charabia juridique ni d’expérimentation institutionnelle. Il réclame du pain, de la sécurité, des routes, des écoles, de l’emploi. Il réclame la vie, tout simplement. Il veut sortir de la peur, retrouver sa dignité, travailler sans risquer l’enlèvement ou la balle perdue. Il demande un gouvernement de résultats, pas une junte de scribes au service d’ambassades.
Mais au lieu de répondre à l’urgence nationale, ces dirigeants invertébrés, désignés sans légitimité par des arrangements de salons diplomatiques, s’acharnent à nous distraire avec un projet de référendum inconstitutionnel. Ils jouent le jeu de leurs maîtres, tout en feignant le patriotisme. La manœuvre est grossière : détourner l’attention du peuple pour mieux asseoir une gouvernance sous tutelle.
Haïti n’a pas besoin d’un nouveau texte fondamental écrit sous dictée. Elle a besoin d’un sursaut de dignité, d’un leadership courageux, enraciné dans les réalités de son peuple. Il est temps de redresser la tête, de cesser d’agir en mendiants devant l’international, et de rappeler que le pouvoir d’un État réside dans sa capacité à dire non — non à l’injustice, non à la soumission, non à l’ingérence.
Ce n’est pas le moment d’un référendum imposé. C’est le moment d’une refondation nationale par le peuple et pour le peuple.
Daniel Alouidor