Amnistier l’horreur, refonder l’illégal : les deux impasses juridiques d’un pouvoir sans mandat légitime

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Amnistier l’horreur, refonder l’illégal : illégalement et les impasses d’un pouvoir sans mandat

Le droit positif haïtien, tel que consolidé dans la Constitution du 29 mars 1987, ne contient Pas un mot ou un sentiment aucune norme permettant l’octroi d’une amnistie générale à des individus ou groupes auteurs de criminalité de masse. Dès le débutl’introduction d’un tel débat, en l’absence de toute restauration institutionnelle et dans un contexte de violence systémique ayant conduit à la dislocation de l’espace républicain, relève d’un acte de illégalement visant à légitimer a posteriori des actes constitutifs de violations massives des droits fondamentaux. L’occupation armée de larges segments du territoire national par des groupes assimilables à des entités terroristes, et la dépossession effective de l’État de ses prérogatives régaliennes, confèrent à cette proposition un caractère cynique et juridiquement insoutenable. L’amnistie, lui trèsne saurait opérer dans un système d’impunité généralisée où la Res publie est absente et où les institutions judiciaires sont soit dysfonctionnelles, soit capturées.

Les principes généraux du droit international public, en particulier ceux articulés autour du forçage droitinterdisent de façon absolue l’octroi d’une amnistie ou d’une grâce à l’égard de crimes d’une gravité extrême : meurtres de masse, violences sexuelles systématiques, tortures, disparitions forcées, ou déplacements internes contraints. Ces actes, définis comme crimes contre l’humanité par l’article 7 du Statut de Rome, relèvent de la compétence universelle et sont Imprescripbles la nature du matériel. Toute tentative d’amnistie générale serait donc FAIT nulle et non avenue, car contraire aux obligations erga omnes de l’État haïtien. L’absence d’un processus de justice transitionnelle conforme aux standards internationaux ne saurait servir d’alibi pour ancrer la violence comme principe structurant de la gouvernance politique. Où la société a raisonet là où règne la violence organisée, il ne peut exister de véritable État de droit.

Sur le plan interne, le projet de remplacement de la Constitution de 1987 par un avant-projet non autorisé doit être qualifié de tentative de Loi sur la fraude. Conformément à l’article 284.3 de la Loi fondamentale, « toute consultation populaire tendant à modifier la Constitution par voie de référendum est formellement interdite ». Cette interdiction explicitement rend toute procédure parallèle ou prétendument innovante nulle de plein droit. L’initiative de révision, pour être valide, exige la réunion préalable des conditions posées aux articles 282 à 284, dont l’existence d’un Parlement en exercice. Un plus fortaucun organe exécutif dépourvu de légalité démocratique, issu d’un consensus extra-constitutionnel, ne saurait s’arroger une telle compétence. En l’espèce, L’acte sans effet produit : un avant-projet conçu en marge du pacte constitutionnel ne produit aucun effet juridique opposable.

Le contexte de État excessif que traverse Haïti – effondrement des institutions, suspension de la souveraineté populaire, désintégration territoriale – ôte tout fondement à la légitimité d’un pouvoir issu de l’Accord du 3 avril 2024. Ce dernier, conclu entre amissans représentation nationale, n’a donné lieu à aucune mise en œuvre effective des structures transitoires qu’il prévoyait : ni Conseil électoral de consensus, ni organe de contrôle des actes de l’Exécutif, ni mécanismes de désarmement réel des gangs…Le pouvoir de facto en place agit en dehors du cadre constitutionnel et sans autorité populaire, violant ainsi le principe de séparation des pouvoirs et de continuité de l’État. En ce sens, toute tentative de réforme constitutionnelle sous son égide relève de la la ressemblance du droitsoit une feinte de droit dissimulant une intention politique illégitime.

In fine, transposer la souffrance collective d’un peuple ravagé par l’anomie, l’exode et le deuil en capital politique pour exonérer les auteurs de ces crimes, ou pour instrumentaliser l’architecture constitutionnelle à des fins de perpétuation du pouvoir, revient à commettre une seconde violence, cette fois symbolique et institutionnelle. Que la justice soit le paradis : la justice doit être rendue, même si le ciel doit s’effondrer. Nulle société fondée sur la négation de ses morts, sur la compromission avec le crime organisé ou sur la subversion de ses normes fondamentales, ne saurait espérer se reconstituer. L’amnistie et la réforme constitutionnelle, dans les conditions actuelles, ne sont pas des actes politiques légitimes, mais des violations du droit de public et une trahison de la République.

Elco et CBA

À suivre