Edito d’Haiti-Observateur : Décidément, la fin de l’intérim n’aura pas lieu à la date prévue

Share on facebook
Share on twitter
Share on linkedin
Share on email

Cet éditorial d’Haïti-Observateur reflète le fossé qui se creuse entre les discours politiques et la réalité sur le terrain. Alors que les autorités continuent de promettre des élections, la peur d’un avenir incertain plane sur le pays. La montée des gangs, combinée à l’incapacité apparente des forces de l’ordre à rétablir l’ordre, alimente une spirale de violence et d’insécurité. Les déclarations du ministre des Affaires étrangères dénotent une tension sous-jacente et une impatience croissante face à une situation jugée intenable.

L’éditorial souligne les illusions persistantes entretenues par les deux branches de l’exécutif haïtien, qui tendent à croire fermement à la feuille de route imposée par la communauté internationale. En effet, malgré les promesses répétées d’organiser des élections afin de transférer le pouvoir aux élus d’ici la fin de l’année 2025, rien ne permet de croire que cette échéance sera respectée.

Les déclarations de Dominique Dupuy, ministre des Affaires étrangères, laissent penser que la situation est plus complexe qu’il n’y paraît. Ses révélations indiquent que les discussions internes sur la tenue des élections sont teintées d’une frustration palpable. Cette réalité, bien que dissimulée derrière une rhétorique optimiste, fait écho aux préoccupations réelles qui circulent au sein du gouvernement, mais que les principaux acteurs hésitent à exprimer ouvertement. Ils craignent de donner l’impression d’être insatisfaits des exigences des « partenaires » internationaux.

Or, de manière indéniable, la sécurité des citoyens doit être la priorité avant d’envisager la tenue d’élections. Malgré les efforts de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS) pour renforcer les forces de sécurité, celles-ci peinent à neutraliser les gangs qui prolifèrent à travers le pays. L’absence d’un environnement sécuritaire adéquat constitue un obstacle majeur à la tenue des élections.

Ce cri d’alarme du ministre des Affaires étrangères souligne que, malgré le déploiement de brigades spécialisées, l’impuissance des forces de sécurité face à la persistance des actes de violence met en évidence un gouvernement qui, au lieu de protéger ses citoyens, semble largement dépassé par les événements. L’éditorial rappelle que la situation de violence généralisée qui perdure nécessite des réponses urgentes et efficaces, sans lesquelles l’objectif de rétablir un climat propice aux élections pourrait devenir un vœu pieux.

La contradiction qui ressort de la rhétorique sur l’importance des élections, au détriment de la sécurité, soulève des questions sur les priorités des acteurs nationaux et internationaux. Dans ce contexte, la déclaration de Maria Isabel Salvador, représentante du BINUH, selon laquelle « le temps presse » sonne comme un avertissement : les promesses d’un processus électoral sans résolution de la crise sécuritaire ne peuvent que conduire à de nouvelles désillusions.

Décidément, la fin de l’intérim n’aura pas lieu à la date prévue

Si les deux branches de l’Exécutif haïtien persistent à entretenir les illusions concernant la feuille de route imposée par la communauté internationale, en tout premier lieu, la tenue des élections, en vue de la remise des pouvoirs à des fonctionnaires élus, rien n’autorise à croire que les résultats escomptés seront au rendez-vous. Par l’organe de la ministre des Affaires étrangères du pays, la mèche est vendue. Les dénonciations de Dominique Dupuy mettent en question la survie même du gouvernement.

Alors que, du côté de la présidence multicéphale, désormais ayant pour coordonnateur Leslie Voltaire, et de la primature ayant pour chef Garry Conille, est réitérée, dans les différentes interventions, la promesse des scrutins fin 2025, les déclarations de la chancelière elle-même ne soutiennent pas cette affirmation. Voilà la révélation qu’elle a faite, lors d’une interview accordée à l’organe de presse France 24. Révélations approfondies séparément dans une longue intervention en créole. En effet, dans son interview, publiée le 16 octobre, dans l’organe de presse français, Dominique Dupuy a vendu la mèche, par rapport à la tenue des élections générales en Haïti. Dans son témoignage, dégagé à ce sujet, elle n’a pu maquiller sa frustration, se faisant l’écho des discussions véhiculées sans doute au sein du gouvernement, mais que les principaux acteurs n’osent exprimer publiquement, car soucieux de ne pas donner l’impression d’être mécontents des bâtons mis dans leurs roues par les « partenaires » d’Haïti, se montrant exigeants sur les élections.

Alors que cette étape cruciale de la transition ne peut être franchie sans que soit rétablie une atmosphère sécuritaire permettant aux électeurs d’aller librement aux postes de vote, principale préoccupation de la communauté internationale. Mais on ne peut s’empêcher de relever cette contradiction dans les attitudes affichées car, depuis sous Jovenel Moïse, les partenaires d’Haïti mettent les pressions sur les décideurs haïtiens en ce qui concerne la « tenue inconditionnelle » des scrutins, donnant l’impression que cette phase est plus importante que la sécurité des citoyens.

Bien que Mme Dupuy ait répondu à d’autres questions posées par l’intervieweur de France 24, celles portant sur la sécurité résument toute la tragédie que vit la nation. Puisque, quoi que disent et fassent les acteurs, tant nationaux qu’internationaux, l’heureux aboutissement de la feuille de route de la transition devant culminer au déroulement d’élections justes, démocratiques et sécurisées ne sera possible qu’à la suite de la disparition totale des gangs sur tout le territoire national.

Quand la ministre des Affaires étrangères d’Haïti fait état de l’impossibilité des forces de l’ordre du pays, bien que renforcées par la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS), se trouvant dans l’impossibilité de mettre les bandits en déroute, récupérer « les territoires perdus », en sus de libérer les routes nationales, présentement contrôlées par les bandits, elle tire la sonnette d’alarme. Certes, un cri du cœur dirigé à l’intention de ceux qui prennent les décisions effectives relatives au rétablissement de la paix et de la sécurité dans ce pays se trouvant, depuis trop longtemps, sous la férule des criminels tenant en respect un gouvernement, qui n’en est pas un, voire ses institutions presque non existantes.

En tout cas, Dominique Dupuy a reconnu que la Police haïtienne ne dispose pas de moyens pour se colleter avec les bandits, laissant le champ libre à ces derniers, impunis après chaque massacre et autres crimes perpétrés sur les citoyens. Elle en a offert comme preuve le déploiement de brigades spécialisées et de blindés sur le département de l’Artibonite, après le massacre de plus de 115 personnes, à Pont-Sondé, dans l’espace de quelques heures, tôt dans la matinée du 3 octobre. Voilà, déjà plus de trois semaines, depuis l’arrivée dans ce département, théâtre du plus grand massacre orchestré par les malfrats contre la population, les criminels ont toujours la haute main dans l’Artibonite.

Elle attire l’attention sur les nombreuses occasions où de paisibles communautés sont tombées dessus par les hommes armés appartenant aux gangs, face à l’impuissance des forces de l’ordre à diriger des actions réellement punitives contre ceux qui commettent de tels crimes. À cet égard, bien que la chancelière haïtienne prenne la précaution d’éviter de décerner de blâmes, elle ne laisse aucun doute, en ce qui concerne les vrais responsables de l’impréparation de la PNH et des Forces armées d’Haïti (FAd’H), renforcées par les policiers kenyans, à s’imposer aux bandes criminelles.

Ses dernières déclarations sont consécutives à un article diffusé par ABC News, daté de Port-au-Prince, la capitale d’Haïti, soulignant des attaques des gangs, dans la première ville du pays, les tous derniers actes de violence des criminels ayant eu lieu entre jeudi et samedi mêmes, et causant la mort de deux jeunes filles, ainsi que l’incendie de plusieurs résidences à Solino, à Tabarre et au Bas de Delmas. Mais les positions exprimées par Dupuy, dans le cadre de ses révélations marquant les conflits qui traversent les autorités intérimaires, font pâlir celles divulguées à France 24. Elle est partie carrément en guerre contre les crimes, qui dominent, dans les milieux dirigeants, notamment la corruption, trafic de drogue et d’autres activités criminelles et illicites.

La suite est disponible dans la dernière publication du journal, VOL. LIIII, No. 27. New York / Tel : (718) 812-2820 ; Montréal : (514) 321-6434 ; Port-au-Prince : (011 509) 223-0785 ; Paris : (33-1) 43-63-28-10. 23 – 30 octobre 2024.

À suivre