La CNDDR est morte – Le CPT est en bout de piste : Fritz Jean face à l’histoire
Un an après l’installation du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), le constat est implacable : l’expérience a tourné court. Ce qui devait symboliser le sursaut collectif d’une nation en quête de renaissance n’est devenu qu’une caricature de gouvernance. Une farce institutionnelle, au goût amer pour un peuple déjà brisé. Et au centre de cette débâcle, une question brûle désormais toutes les lèvres : Fritz Alphonse Jean aura-t-il le cran, la lucidité, la grandeur d’âme nécessaires pour dissoudre ce navire à la dérive qu’est devenu le CPT ?
La création du Conseil Présidentiel, rappelons-le, partait d’une intention noble. En réunissant des représentants de la majorité des forces politiques et sociales du pays, il s’agissait d’offrir à Haïti une transition apaisée, bâtie sur le dialogue, la compétence, et le sens du bien commun. Mais dans un pays où les élites politiques ont souvent pris la nation en otage, cette belle architecture n’a pas tardé à se fissurer sous le poids des égoïsmes, des calculs de pouvoir, et d’une culture endémique de la prédation.
La constitution d’un « Groupe indissoluble », arrangé en coulisses par Claude Joseph et Moïse Jean-Charles, a été l’acte fondateur de cette mascarade : une alliance contre nature, motivée non par la volonté de reconstruire le pays, mais par celle de capturer ce qu’il reste d’un État exsangue. Le reste a suivi comme une mécanique bien huilée : partages de postes, nominations clientélistes, voyages de complaisance, gaspillages éhontés… Pendant ce temps, les gangs terrorisaient les quartiers, l’État s’évaporait, et la population sombr(ait) dans une misère sans fond.
Aujourd’hui, plus personne ne peut décemment défendre l’efficacité du CPT. Pire, son existence même apparaît comme une entrave à toute solution réelle. Ce Conseil est devenu le symbole de l’impasse, de la compromission, de l’inertie maquillée en gouvernance. En maintenant cette structure moribonde, Fritz Jean risquerait de perdre ce qu’il lui reste de crédibilité et d’honneur– et de condamner le pays à une aggravation certaine du chaos.
Or, il lui reste une carte à jouer. Une seule. Prendre acte de l’échec, et faire preuve d’un courage politique rare en Haïti : dissoudre le CPT. Oui, dissoudre – ou provoquer une démission collective. Car il ne peut y avoir d’autorité légitime sans confiance populaire, et cette confiance est irrémédiablement rompue. Il faut désormais un organe resserré, cohérent, porteur d’un mandat clair et temporaire : restaurer la sécurité et organiser des élections crédibles. Cela suppose aussi le renvoi du Premier ministre en poste, dont la gestion erratique et l’inaction notoire l’ont discrédité.
On ne gouverne pas une nation au bord de la guerre civile comme on gère un conseil d’administration. Haïti est en guerre. Une guerre contre les gangs, contre l’effondrement de l’État, contre la résignation. Et dans ce contexte, le pouvoir ne peut plus être dilué dans des arrangements d’arrière-boutique. Il faut un commandement clair, une ligne directrice, une volonté ferme.
Fritz Jean peut encore se hisser à la hauteur de l’Histoire. Il peut encore choisir la rupture salutaire plutôt que la complicité silencieuse. Dissoudre, ce n’est pas fuir. C’est oser. Et parfois, oser dissoudre, c’est le seul acte de construction possible.
La balle est dans son camp. L’avenir du pays aussi.
Coudre à Louuon