Haïti – OEA : Discours de l’Ambassadeur haïtien Gandy Thomas sur les personnes d’ascendance africaine
18/10/2024 10:13:04
![]() |
![]() |
Le mercredi 16 octobre 2024, lors de la Session ordinaire du Conseil permanent de l’Organisation des États Américains (OEA), le Représentant d’Haïti, l’Ambassadeur haïtien Gandy Thomas, s’est exprimé sur la question « Peuples d’ascendance africaine : Reconnaissance, Justice et développement durable”, inclus dans l’Agenda
Discours de l’Ambassadeur Gandy Thoma s :
“(….) Monsieur le Président,
Ma délégation est heureuse de voir la question « Personnes d’ascendance africaine : reconnaissance, justice et développement durable » inscrite à l’ordre du jour de cette session du Conseil permanent. Nous tenons à remercier la Mission permanente de la Colombie d’avoir pris l’initiative de cette importante session. Permettez-moi également de féliciter les distingués intervenants pour leurs interventions éclairantes sur ce sujet particulièrement crucial pour mon pays, Haïti.
Monsieur le Président,
Le commerce inhumain de captifs africains vers les Amériques, en particulier vers Saint-Domingue, reste l’un des plus grands génocides de l’histoire de l’humanité. Même au XVIIIe siècle, ceux qui soutenaient encore la traite négrière étaient conscients, dans une certaine mesure, que ce commerce violait profondément les principes humains et moraux.
La Révolution haïtienne de 1804, en marquant une rupture irréversible dans l’ordre mondial de l’esclavage, a allumé la flamme de la liberté, une flamme qui a enflammé non seulement Haïti mais le monde entier, en particulier le continent que nous représentons fièrement au sein de l’OEA. L’esclavage a été à juste titre reconnu comme un crime contre l’humanité, une reconnaissance renforcée par des législations telles que la loi Taubira de 2001 en France.
Les Pères fondateurs d’Haïti, dans un esprit de solidarité révolutionnaire, ont soutenu les dirigeants des nations sœurs dans leur lutte contre le colonialisme et pour l’émancipation politique. En échange, Haïti ne demandait qu’une chose : l’abolition de l’esclavage partout où les idéaux de liberté et de justice seraient promulgués. C’est dans cet esprit que le panaméricanisme a trouvé ses racines.
Monsieur le Président,
Pendant des siècles, les personnes d’ascendance africaine ont été systématiquement marginalisées en raison de l’héritage persistant de l’esclavage et du colonialisme. Le racisme structurel et la discrimination raciale les ont privés de nombreux aspects de la vie publique, les plongeant dans la pauvreté et souvent dans « l’invisibilité » statistique, malgré leur poids démographique considérable. Comme le souligne la résolution récemment adoptée par ce Conseil, plus de 200 millions de personnes d’ascendance africaine vivent dans les Amériques, ce qui représente près d’un tiers de la population régionale. Cette résolution reconnaît à juste titre leur rôle crucial dans la conservation de la diversité biologique.
Même si des progrès ont été réalisés, les inégalités restent profondes. Les événements récents dans les Amériques révèlent que la lutte contre le racisme structurel et les comportements discriminatoires est loin d’être terminée. Ce racisme, souvent subtil, s’infiltre jusqu’aux plus hautes sphères de l’État, alimentant les discours de haine et menaçant la sécurité des populations d’ascendance africaine.
La résolution que nous avons adoptée réaffirme qu’environ 200 millions de personnes s’identifiant comme afro-descendantes vivent dans notre hémisphère. Que ces individus soient des descendants d’esclaves ou de migrants, ils font partie des populations les plus vulnérables et marginalisées. À l’instar de la Convention sur la diversité biologique de 1992, il est fondamental de reconnaître que la diversité raciale est un atout pour nos sociétés. Toute forme de discrimination raciale est une aberration qui doit être rejetée avec la plus grande fermeté.
Monsieur le Président,
L’inscription de ce sujet à l’ordre du jour nous donne l’occasion de reconnaître l’énorme contribution des afro-descendants au développement des grandes nations occidentales. Mais il faut aussi s’interroger sur leur situation actuelle, notamment dans les Amériques. Il est bien établi que les comportements discriminatoires sont directement liés à la persistance de la pauvreté. Aujourd’hui, plus des deux tiers des personnes d’ascendance africaine vivent encore en dessous du seuil de pauvreté dans les Amériques.
Les facteurs de cette pauvreté sont essentiellement structurels. L’inégalité d’accès aux services essentiels, tels que l’éducation, la santé, le crédit et les technologies modernes, reste une réalité écrasante. Nos États ont la responsabilité de renforcer les programmes de lutte contre la pauvreté, en tenant compte des besoins spécifiques des personnes d’ascendance africaine. La Convention sur la diversité biologique appelle à l’allocation de ressources financières pour atteindre ses objectifs. Il serait juste que nos États, en reconnaissant la contribution des afro-descendants à la préservation de la biodiversité, imposent également des mécanismes financiers pour soutenir leur émancipation, notamment en les aidant à sortir de la pauvreté.
L’héritage de Jean-Jacques Dessalines nous rappelle que le combat pour la justice et la reconnaissance des afro-descendants est loin d’être terminé. Nous avons le devoir de poursuivre cette mission, en luttant contre l’exclusion et en renforçant l’inclusion des afro-descendants dans les bénéfices du développement durable.
Merci.”
HL/HaïtiLibre