La célèbre journaliste Liliane Pierre-Paul est décédée

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La nouvelle tombe comme un coup de tonnerre dans un ciel serein; elle fait couler des larmes et agite les esprits, même les moins sensibles. Célèbre présentatrice du « Journal 4 »diffusé sur les ondes de la radio Kiskeya, la journaliste haïtienne, Liliane Pierre-Paul s’est éteinte le 31 juillet 2023. Agée de 70 ans, cette icône de premier rang de la presse haïtienne a laissé derrière elle une riche carrière marquée par son militantisme.

Liliane Pierre-Paul devant un micro

Liliane Pierre-Paul

Alors que le pays se préparait à écouter la douce et percutante voix de la journaliste et militante des droits humains à l’heure de son journal radiophonique, une triste nouvelle est annoncée en lieu et place de sa phrase introductive « Sur la radio Kiskeya, il est 16 heures ». Liliane Pierre-Paul est décédée des suites d’une crise cardiaque au moment où elle s’apprêtait à quitter sa résidence pour rejoindre la station de la rue Villemenay afin d’accomplir sa tâche quotidienne, selon un de ses collaborateurs.

Liliane Pierre-Paulappelée affectueusement « Lili » par les plus intimes, est née le 16 juin 1953 à Petit-Goâve, une ville située à 68 kilomètres au Sud de la capitale haïtienne. Très jeune, elle a montré une passion pour la parole utile et transgressive. C’est ainsi qu’elle commence à pratiquer le journalisme, un métier qu’elle aime d’un amour sans équivoque. Du haut de ses 35 années de carrière, elle a traversé des chemins sinueux. De la lutte pour l’intégration de la langue créole dans les médias en passant par le combat mené contre le régime sanguinaire, despotique et criminel de la dictature des Duvalier. Si subitement elle a fait le voyage éternel, son héritage reste immense pour la mémoire collective haïtienne.

Liliane Pierre-Paul et la presse haïtienne

Lillian Pierre-Paul et la comtesse Filo

Lillian Pierre-Paul et la comtesse Filo

La jeune Liliane, à l’époque, pleine d’énergie, a fait ses débuts à la radio Haïti Inter. Aux côtés de journalistes influents et très compétents comme Jean Dominique (assassiné le 3 avril 2000), Anthony Pascal, alias Konpè Filo (décédé le 31 juillet 2020) et Michèle Montas, la Petit-goâvienne a commencé à mettre au service de la population haïtienne sa capacité à informer dans un langage clair et précis. De retour au pays en 1986, après son exil, elle a fondé avec son ami Marvel Dandin et aussi Sony Bastien, le 7 mai 1994, la radio Kiskeya.

En 2012, la journaliste Pierre-Paul a été élue à l’unanimité présidente de l’Association nationale des médias haïtiens (ANMH), association fondée en 2001 par plusieurs médias et journalistes haïtiens dont Liliane.

Prix et distinctions

Durant ses 35 ans de carrière et de combat pour la liberté d’expression et le respect des droits humains, Liliane Pierre-Paul a reçu de nombreuses distinctions. Elle a été lauréate du prix Rock Cadet 2014 de SOS Liberté pour son engagement dans la lutte pour le respect de la liberté d’expression en Haïti. Soulignons que le Prix Rock Cadet est une distinction récompensant des personnalités travaillant pour la Justice sociale en Haïti.
En 1990, elle a reçu le prix Courage de la Fondation internationale des femmes dans les médias (IWMF). Ce prix venait récompenser l’engagement qu’elle a pris de présenter son journal uniquement en créole durant de nombreuses années, langue parlée par la majorité des Haïtiens.

Hommages

Le 13 décembre 2012, la présentatrice de l’émission « Intérêt Public » a été honorée par les organisateurs du spectacle hebdomadaire Soirée Guitare à La Havane. Lors de cette cérémonie d’hommage, plusieurs artistes haïtiens, dont BIC, Carole Démesmin et Bélo, étaient présents pour chanter et danser avec la journaliste de carrière.

En 2020, Liliane Pierre-Paul a été honoréeune fois de plus, par le journaliste Valéry Numa en lançant une émission dénommée « Tout sur tout » en hommage à Liliane Pierre Paul, qu’il estime être une icône nationale.

Liliane Pierre-Paul et ses combats

Liliane Pierre-Paul dans une manifestation, devant un micro, répondant aux questions d'un journaliste

Liliane Pierre-Paul, lors d’une manifestation en Haïti pour exiger la libération du journaliste kidnappé Pierre-Louis Opont. Photo : Harold ISAAC

Liliane Pierre-Paul, pour avoir dénoncé les atrocités et les injustices du régime sanguinaire des Duvaliernotamment Jean Claude Duvalier, a dû prendre le maquis. Au Venezuela et à Curaçao, la journaliste a vécu six ans en exil.

Quoiqu’elle ait été violée, abusée, torturée et emprisonnée par les sbires des Duvalier, Liliane n’avait pas baissé les bras dans sa lutte pour une autre société où justice et justice sociale règneraient en maître et Seigneur.

Après la chute de Jean Claude Duvalier traduisant une victoire des masses populaires et d’une branche importante de l’élite intellectuelle haïtienne sur le pouvoir d’alors, Liliane Pierre-Paul ne s’était pas arrêtée là. Contre les abus et la mauvaise gouvernance, la journaliste a mené un combat intense contre les pouvoirs qui se sont succédé jusqu’à sa mort subite.

Avec l’élection de Michel Martelly en 2011, Liliane Pierre-Paul était devenue la cible directe du président Tèt Kale et de ses partisans zélés pour avoir dénoncé la famille présidentielle et le pouvoir.
En 2016, le chanteur Jean-Jean Roosevelt a sorti une chanson intitulée « Reste debout », en vue de rendre hommage et de se montrer solidaire à la désormais ancienne présentatrice du mythique « Journal 4 » (Journal de 4 heures). C’était une façon pour l’artiste de dire à Liliane qu’elle ne doit pas baisser les bras dans son combat pour le respect des acquis démocratiques, dont la liberté d’expression.

La disparition de la journaliste chevronnée laisse les membres de la presse dans une grande peine. Liliane laisse derrière elle un héritage immense.

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Sylvain Wilder

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