L’État haïtien utilise à la fois la répression militaire et économique contre les masses pauvres et rebelles d’Haïti

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Une commerçante haïtienne montre ses marchandises. Malgré la stabilité du taux de change de la gourde par rapport au dollar, les prix des denrées alimentaires ont grimpé en flèche en Haïti, ce qui se traduit par une forme de répression économique contre la population. Photo : PAM

TL’État haïtien réprime les masses haïtiennes en important des troupes d’occupation militaires étrangères, appelées Mission multinationale de soutien à la sécurité (MSS), pour renforcer la Police nationale haïtienne (PNH), la force de contre-insurrection traditionnelle déployée par les classes dirigeantes internationales et locales.

L’État cherche également à renforcer les Forces armées d’Haïti (FAdH), qui ont toujours été le principal outil des classes dirigeantes pour contenir les masses. Bien que dissoutes en 1995, les forces ont été relancées en 2017.

Mais le gouvernement fantoche du Premier ministre de facto Garry Conille et les neuf membres du Conseil présidentiel de transition (CPT) ont également recours à ce que l’on pourrait appeler la répression économique ou financière.

La situation du MSS est mauvaise. Le moral est bas, les livraisons de matériel et de munitions et le déploiement des forces accusent des retards. Béni par le Conseil de sécurité de l’ONU (avec l’abstention de la Russie et de la Chine) le 2 octobre 2023, ses 200 premiers soldats kenyans n’ont pas pu être déployés en Haïti jusqu’en juin. 25, 2024. Deux cents autres Kenyans sont arrivés le 16 juillet, trois semaines plus tard, portant l’effectif actuel du MSS à seulement 400 Kenyans, qui ont passé la majeure partie de leur temps dans leur base construite par les États-Unis. Le MSS devrait compter à terme plus de 2 500 soldats de 10 nations.

Des policiers kenyans accueillis en Haïti par le Premier ministre de facto Garry Conille. Ils sont arrivés près de neuf mois après que le Conseil de sécurité de l’ONU a donné son feu vert à leur mission, préfigurant les retards et les pénuries qui continuent de se produire. Photo : AFP

Le principal problème est l’argent. « Alors que les États-Unis ont contribué à hauteur de 369 millions de dollars en argent, en équipements et en services, le fonds de l’ONU (pour le MSS) ne dispose que d’environ 68 millions de dollars, ce qui laisse plus de 150 millions de dollars de moins que les 589 millions de dollars estimés nécessaires aux opérations de la première année », Reuters rapporte.

Pour couronner le tout, les 400 Kényans déployés sont découragés par des tactiques de leurre et d’échange de salaires. « Pour ceux qui sont déjà en Haïti, l’incertitude autour de la rémunération pèse sur le moral », explique Reuters. « On a dit aux officiers au Kenya qu’ils recevraient des primes mensuelles d’environ 1 500 dollars, soit plusieurs fois leur salaire habituel, ont déclaré deux officiers, ajoutant qu’ils n’avaient jamais signé de contrat et qu’on ne leur avait pas dit quand ils seraient payés… (Le 2 septembre), certains officiers avaient reçu (des primes) tandis que d’autres non, ont déclaré trois officiers. Mais ils ont dit qu’on ne leur avait donné aucune explication sur la façon dont leur salaire était calculé, certains ne recevant qu’environ 750 dollars. »

« C’est très démoralisant », a déclaré un officier supérieur à Reuters.

Les soldats de base étaient déjà mécontents de leur solde bien inférieure, Haïti Liberté reported en juillet.

Pendant ce temps, les policiers de la PNH sont toujours envoyés avec très peu de munitions, selon une source fiable. Quelque six millions de cartouches de 9 mm, .762 et .556 destinées à Haïti sont stockées depuis l’année dernière sur des palettes dans le hangar d’AmeriJet à Miami, toutes en raison de la pénurie de munitions. corruption et incompétence tant dans la bureaucratie de la PNH que dans celle du Bureau des stupéfiants et de l’application des lois internationales (INL) de l’ambassade des États-Unis.

Face à ces problèmes tant au sein du MSS que de la PNH, le gouvernement Conille entend renforcer les FAdH. le site du ministère de la Défense nationalequelque 4 981 personnes se sont inscrites pour passer les « examens intellectuels » le 1er septembre pour devenir soldats dans la force qui compte désormais entre seulement 1 500 à 2 000.

Des soldats des Forces armées d’Haïti (FAdH) lors d’une récente formation. Ils sont aujourd’hui près de 2 000, mais ce nombre pourrait bientôt doubler ou tripler. Photo : Wikimedia Commons

« Des milliers de jeunes Haïtiens sautent sur l’occasion de devenir soldats alors que la violence généralisée des gangs crée une opportunité d’emploi rare dans un pays profondément pauvre où le travail est rare », a déclaré le porte-parole. L’Associated Press a rapporté cette semaine.

Ironiquement, le besoin de répression militaire est alimenté par le budget d’austérité récemment dévoilé par le gouvernement haïtien, expression d’une répression économique.

Selon L’économiste Simone Waplerla répression financière est « un arsenal de mesures qui permettent aux États de réduire le coût de leurs dettes en manipulant les marchés et leurs citoyens ». En Haïti, l’État antinational a pris toute une série de mesures économiques pour maintenir les masses prolétariennes dans des conditions de vie proches de l’esclavage.

Il s’agit notamment de fixer les taux d’intérêt à près de zéro pour prêter de l’argent aux banquiers, aux financiers et à d’autres groupes du secteur des affaires ; de payer les transferts de fonds des Haïtiens vivant à l’étranger dans la monnaie locale, la gourde ; d’augmenter la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ; et de promouvoir l’augmentation des prix des produits de première nécessité.

Les Haïtiens ont subi une répression fiscale où les masses paient la plus grande part de l’assiette fiscale nationale

En effet, selon le Institut Haïtien de Statistique et d’InformationSelon le dernier rapport de l’Institut indien de statistique (IHSI) de juillet 2024, l’indice général des prix à la consommation (IPC) a maintenu sa progression inflationniste de 317,9 en juillet 2023 à 413,3 en juillet 2024, soit une augmentation annuelle de 30%.

Aucun investissement public n’est prévu pour améliorer les conditions de vie des masses défavorisées d’Haïti dans le budget « rectifié » 2023-2024 publié la semaine dernière dans Le Moniteur. Il ne contenait que les mêmes vieilles astuces qui encouragent la corruption, les dépassements de coûts et le détournement de fonds publics à travers des programmes bidons qui ne relanceront pas l’économie nationale en augmentant les recettes fiscales de l’État ou la production nationale. La construction de nouveaux systèmes d’irrigation aurait dû être la priorité, car ces travaux à forte intensité de main-d’œuvre créent des avantages économiques comme l’augmentation des recettes fiscales tout en facilitant la relance de la production alimentaire nationale, ce qui permettrait de remédier à la grave crise d’insécurité alimentaire à laquelle sont confrontés près d’un demi-million d’Haïtiens.

Au lieu de cela, l’État haïtien a choisi de distribuer de l’argent liquide au hasard à des catégories de personnes choisies au hasard.

Sur quels critères l’État haïtien va-t-il choisir les bénéficiaires du transfert monétaire à plus de 25 000 ménages dans les dix départements géographiques d’Haïti, soit 2 500 ménages en moyenne par département ? Sur quels critères le gouvernement va-t-il choisir les 35 000 employés des usines d’assemblage pour un soutien financier ? Sur quels critères va-t-il accorder une subvention ciblée à 25 000 opérateurs de transport public ? Comment va procéder l’État pour donner de l’argent à plus de 280 000 parents d’élèves des écoles nationales dans sept départements géographiques d’Haïti, soit 40 000 parents en moyenne par département ?

Sur la base de quels critères et comment le Trésor public distribuera-t-il 61 230 « paniers solidaires » aux ménages vulnérables par l’intermédiaire du Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural, en plus d’installer 400 « restaurants communautaires » dans tout le pays ?

Les dons du programme Food Shock Window (FSW) du Fonds monétaire international (FMI) seront gaspillés comme les Des millions de dollars pour la reconstruction après le tremblement de terre du 12 janvier 2010 et les fonds de développement empruntés des ventes de pétrole dans le cadre du programme PetroCaribe. L’appauvrissement des masses s’accentuera sans un programme gouvernemental révolutionnaire de développement économique et social réel qui transformerait le système économique actuel en une économie socialiste, basée sur la formule : « De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins. »

Le taux d’inflation annuel de 30% constitue un crime contre les masses haïtiennes, une forme de répression économique, doublée d’une répression fiscale où les masses paient plus d’impôts que les couches les plus privilégiées de la société haïtienne, où le secteur privé bénéficie de tous les avantages fiscaux et commerciaux en plus de sa pratique de l’évasion fiscale (contrebande) et de la corruption (surfacturation), tandis que l’Église catholique est subventionnée par l’État.

Les prix des produits alimentaires et des boissons non alcoolisées ont augmenté de 42,3% sur la période allant de juillet 2023 à juillet 2024 ; les articles d’habillement et de chaussures ont bondi de 22,2% ; le logement, l’eau, le gaz, l’électricité et les autres combustibles ont augmenté de 18,7%.

L’inflation a augmenté en juillet à un taux annuel de 30 %, contre 28,9 % en juin. Graphique réalisé par HaitiLibre

La répression économique s’est aggravée lorsque les deux monopoles de téléphonie mobile, Digicel et Natcom, sans améliorer leur service technique, ont augmenté le prix de la communication en Haïti de 42,2% en un an.

Pendant ce temps, les importateurs, en toute liberté et sans inquiétude, malgré la stabilité de la gourde face au dollar américain, ont augmenté le prix du riz de 55,9%, du maïs de 48,7%, du mil de 50,1%, de la viande de 41,7%, du poisson frais de 44,3%, du hareng de 41,6%, de l’huile alimentaire de 44%, des citrons de 90,7%, des bananes de 44,2%, des tissus de 23,1%, des robes de 24,2%, des collants de 24,5%, des costumes et vestes universelles de 23,6%, des loyers des logements de 18,9%, du charbon de bois de 27,5%, du gaz propane de 24,2%, des repas consommés à l’extérieur de 30,5%. Toute cette inflation dans un pays où le chômage fait rage et touche officiellement 16% de la population active en Haïti.

Même les prix des produits locaux ont augmenté de 29,7%, renforçant la répression économique sur les masses haïtiennes.

Les régions les moins touchées en Haïti, selon l’IHSI, ont été les départements du Centre et de l’Artibonite avec une augmentation de 28,5%, et le « Grand Nord » (les départements du Nord, du Nord-Est et du Nord-Ouest) avec une augmentation inflationniste de 28,1%.

Depuis l’assassinat du père fondateur Jean-Jacques Dessalines le 17 octobre 1806, voici le sombre scénario que subissent les Haïtiens : répression politique et exclusion des masses, répression économique au profit des importateurs locaux et de leurs maîtres étrangers, répression commerciale faite de monopoles économiques et commerciaux, répression fiscale où les masses paient la plus grande part de l’assiette fiscale nationale, répression financière où les masses populaires paient le taux d’intérêt le plus élevé sur les emprunts et gagnent le taux d’intérêt le plus bas sur l’épargne.

Progressistes haïtiens, unissons-nous pour mener une lutte de libération nationale pour Haïti.

Remarques :

1) Simone Wapler est journaliste et auteure économique. Elle a longtemps été rédactrice en chef d’Agora Publications, une newsletter payante spécialisée dans l’analyse et le conseil financier fondée par Bill Bonner.

2) Données tirées du tableau 1 : Évolution de l’indice des prix à la consommation du bulletin mensuel de l’IHSI, JUILLET 2024.

3) Taux de chômage de référence : Programme Alimentaire Mondial, Plan Stratégique Pays, Haïti 2024-2028 Analyse de la situation du pays, page 7 no 23.

À suivre