Haïti : Le Conseil Présidentiel de Transition dissout la CNDDR, entachée de soupçons de collusion avec les gangs
Dans un contexte sécuritaire explosif et sous pression croissante de l’opinion publique, le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) a officiellement annoncé, ce jeudi, la dissolution de la Commission nationale de désarmement, de démantèlement et de réinsertion (CNDDR).
La décision a été rendue publique à travers un communiqué de presse sobre mais ferme : « Une résolution a été adoptée en vue de la dissolution de la CNDDR », peut-on lire dans le document émis par le Bureau de Communication de la Présidence.
Perte de légitimité
Cette mesure radicale intervient alors que la CNDDR faisait l’objet de critiques de plus en plus virulentes, accusée d’inefficacité, mais surtout de proximité avec certaines factions armées responsables de violences meurtrières dans la capitale et dans plusieurs autres départements du pays. Des accusations de collusion directe entre certains membres de la Commission et des chefs de gangs ont récemment fuité dans la presse locale, alimentant la défiance générale.
Une structure à reconstruire?
Le CPT entend toutefois maintenir l’objectif de désarmement, mais dans un cadre institutionnel totalement repensé. « Il est indispensable de mettre en place une nouvelle structure de désarmement à l’abri de toute suspicion et apte à répondre efficacement aux défis sécuritaires actuels », affirme le communiqué officiel. Pour cela, des consultations seront engagées avec les secteurs concernés, notamment les organisations de la société civile, les forces de l’ordre et des personnalités indépendantes issues de la vie nationale.
Contexte d’urgence sécuritaire
Depuis plusieurs années, Haïti traverse l’une des périodes les plus sombres de son histoire contemporaine. À Port-au-Prince, des zones entières échappent au contrôle de l’État, livrées à des gangs lourdement armés qui multiplient kidnappings, exactions et assassinats. Les tentatives précédentes de désarmement ont échoué, souvent minées par la corruption ou le manque de coordination.
Dans ce chaos, la dissolution de la CNDDR peut apparaître comme un geste fort. Mais elle soulève aussi une question importante : que faire maintenant ? Car démanteler une structure est une chose, bâtir un mécanisme crédible et opérationnel en est une autre.
Vers une refondation sécuritaire ?
Reste à savoir si cette décision du CPT sera suivie d’actions concrètes et rapides, et surtout, si la nouvelle structure promise pourra fonctionner sans subir les mêmes dérives que la précédente. L’histoire récente d’Haïti enseigne que les ruptures symboliques ne suffisent pas à endiguer les fléaux systémiques. Pour redonner confiance, le Conseil devra aller au-delà des annonces, et poser les jalons d’une véritable refondation de l’appareil sécuritaire.
De plus, peut-on mettre sur pied une entité de désarmement et réinsertion sans montrer aux gangs sa capacité à les éliminer? Qui aura peur de qui, dans ce cas?
En attendant, les citoyens continuent de vivre au rythme des tirs, des barrages et de l’insécurité permanente. Pour eux, la CNDDR, mise sur pied par Jovenel Moise, était déjà depuis longtemps un symbole de l’échec et un instrument aux mains des protecteurs des gangs.
Sa disparition sonne comme une page tournée. Mais la suite, incertaine, reste à écrire.