Censés marquer un tournant diplomatique dans la guerre russo-ukrainienne qui entre dans sa quatrième année, les pourparlers directs entre Kyiv et Moscou s’ouvrent ce jeudi en Turquie sous de mauvais auspices. Entre échanges d’insultes, absences symboliques et soupçons de manœuvres dilatoires, l’espoir d’un progrès vers la paix semble, pour l’instant, davantage rhétorique que réel.
Une atmosphère plombée dès les premières heures
Volodymyr Zelensky, présent en Turquie mais non à Istanbul, a d’emblée jeté un froid en qualifiant la délégation russe de « pure façade », soulignant l’absence de figures capables de réellement engager Moscou. « Quelle valeur peut-on accorder à des négociateurs qui ne décident de rien ? », a lancé le président ukrainien depuis Ankara, en présence de son homologue turc Recep Tayyip Erdogan.
La réplique du Kremlin n’a pas tardé. Maria Zakharova, porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, a violemment riposté en traitant Zelensky de « clown » et de « raté », lors de son point de presse hebdomadaire. À Moscou, le ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a renchéri, parlant d’un Zelensky « pitoyable ».
Un sommet sans les chefs d’État
Ni Vladimir Poutine ni Volodymyr Zelensky ne prendront part aux discussions. Une délégation ukrainienne « du plus haut niveau », dont la composition exacte restait encore floue jeudi matin, s’est rendue à Istanbul. Du côté russe, c’est Vladimir Medinski, conseiller présidentiel controversé, qui a été dépêché, malgré son profil jugé peu stratégique. Ancien négociateur en 2022, Medinski s’est fait remarquer depuis pour ses propos ultranationalistes niant la légitimité de l’Ukraine en tant qu’État distinct.
L’absence des deux présidents donne le ton : ces pourparlers ne sont pas pensés comme un sommet décisif, mais plutôt comme une étape technique – voire une opération de communication.
Le théâtre turc d’une guerre de positions
À Istanbul, sur les rives du Bosphore, des centaines de journalistes ont pris position dès l’aube autour du palais de Dolmabahçe, symbole du rôle d’intermédiaire que revendique la Turquie depuis le début du conflit. Le ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan, veut croire à un « espoir raisonnable » de sortie de crise. Mais sur le terrain, la réalité militaire rattrape vite l’élan diplomatique : l’armée russe a annoncé ce jeudi la conquête de deux nouvelles localités dans le Donbass, portant à près de 20 % le territoire ukrainien sous occupation.
Trump veut jouer les médiateurs… à sa manière
Depuis Washington, l’ancien président Donald Trump, redevenu une figure influente dans le dossier ukrainien, a réaffirmé son intention de rencontrer Vladimir Poutine. « Rien ne se passera tant que lui et moi ne serons pas autour de la même table », a-t-il martelé. Il a laissé entendre qu’il pourrait se rendre à Istanbul vendredi, à condition que des avancées concrètes émergent.
Cette déclaration illustre l’ambiguïté persistante du rôle américain, partagé entre le soutien militaire à Kyiv et la tentation d’un grand marchandage diplomatique à l’américaine.
La paix en pointillés
Alors que la communauté internationale tente, tant bien que mal, de ranimer un processus de paix moribond, les positions de Kyiv et Moscou restent à ce jour irréconciliables. L’Ukraine exige un retrait total des troupes russes, tandis que le Kremlin campe sur ses annexions et réclame la « neutralité » de son voisin.
Dans ce contexte, les négociations d’Istanbul ressemblent davantage à une mise en scène diplomatique qu’à une avancée décisive. Les caméras sont braquées, les micros tendus, mais la paix, elle, semble toujours hors de portée.