Dans le cadre d’un accord complexe négocié par le gouvernement américain, la Russie a libéré le journaliste Evan Gershkovich et 15 autres prisonniers politiques en échange de la libération de huit de ses ressortissants en Occident, dont Vadim Krasikov, un tueur particulièrement apprécié du président russe Vladimir Poutine, qui purgeait une peine pour meurtre en Allemagne.
Cet accord a été, comme l’a déclaré le président Joe Biden, un exploit diplomatique remarquable et un témoignage de la coopération efficace entre les États-Unis et leurs alliés. Malheureusement, si les États-Unis et leurs amis ne prennent pas de mesures supplémentaires, cela ne fera rien pour dissuader, et pourrait même très bien encourager, de futures prises d’otages.
Les régimes au pouvoir en Russie, en Chine, en Iran, en Corée du Nord et au Venezuela ont tous recours à des systèmes juridiques opaques et corrompus pour faire avancer leurs intérêts, et ils ont trouvé la « diplomatie des otages » particulièrement utile. Elle fonctionne parce qu’elle met en valeur l’importance que les démocraties occidentales accordent à la sécurité de leurs citoyens.
Les poursuites contre Gershkovich constituent également une atteinte directe au principe de liberté de la presse. Il a été arrêté et accusé d’espionnage alors qu’il couvrait l’invasion de l’Ukraine par Poutine, une guerre qui a donné lieu à une répression féroce de la dissidence.
Dans la Russie de Poutine, le journalisme est un crime. Le régime a interdit des dizaines de médias, dont le Moscow Times, un journal anglophone très respecté que le Kremlin a qualifié d’« organisation indésirable ». La plupart des médias étrangers ont raccompagné leur personnel hors de Russie ; ceux qui restent risquent d’être harcelés et arrêtés.
Les gouvernements occidentaux n’ont pas d’autre choix que de faire libérer leurs ressortissants capturés par des États hostiles. Il serait inhumain de ne pas œuvrer pour leur libération et naïf de penser que le refus de négocier constituerait un moyen de dissuasion crédible.
Pourtant, récompenser les preneurs d’otages expose d’autres victimes potentielles à des risques plus importants, sans parler du fait que cela permet à des assassins sans scrupules de s’en tirer en toute liberté. Ces dernières années, les États-Unis ont amélioré leurs outils institutionnels pour négocier et obtenir la libération de leurs citoyens, sous la direction de l’envoyé spécial du président américain pour les affaires d’otages. Ces succès doivent être célébrés, sans perdre de vue le fait que de nombreuses autres personnes ont été emprisonnées à tort, ni oublier les dangers que représente le fait de récompenser le mal.
Que peut-on faire de plus ? Les gouvernements doivent se montrer plus directs dans leurs avertissements aux citoyens concernant les voyages dans les pays contrevenants. Ils doivent rendre publiques les détentions arbitraires ou injustifiées. Plus important encore, les États-Unis et leurs alliés doivent coopérer pour punir les auteurs de ces agissements, y compris les fonctionnaires de niveau intermédiaire et local. Les sanctions, les interdictions de voyager, le gel des avoirs et d’autres mesures doivent être déployés plus largement – et de manière concertée.
La Convention des Nations Unies de 1979 contre la prise d’otages a été rédigée pour une autre époque et est trop faible sur la question des sanctions. Elle doit être remaniée. De telles conventions peuvent sembler inefficaces, mais il faut noter que la Russie et d’autres autocraties prennent la peine de masquer leurs prises d’otages sous un simulacre de procédure judiciaire. Cette hypocrisie devrait être dénoncée et dénoncée plus en détail.
La libération de Gershkovich et des autres est un motif de grand soulagement. Ce que ces victimes ont enduré est inadmissible. Leur libération ne doit pas atténuer le dégoût de l’Occident. Les États-Unis et leurs alliés doivent demander des comptes aux responsables de ces emprisonnements honteux.
Service d’information Bloomberg Opinion/Tribune