L’incendie criminel de l’Hôtel Oloffson a une fois de plus mis à nu la faillite programmée de l’État haïtien. L’indignation exprimée par la Primature dans un communiqué publié quarante-huit heures après le drame n’est rien d’autre qu’un exercice de rhétorique creuse : des mots déposés sur des cendres. Cette prose officielle, saturée d’émotions recyclées, témoigne non seulement d’une impuissance chronique, mais aussi d’une stratégie politique devenue prévisible : attendre que l’irréparable se produise pour rédiger une lamentation nationale.
Au cœur de cette dérive, une figure se détache : celle du Premier ministre de facto, Alix Didier Fils-Aimé. Depuis sa nomination, il s’est illustré non par la prévention des crises, mais par leur commentaire a posteriori. Loin de gouverner, il se positionne comme le citoyen choqué de service. Face à l’occupation prolongée de l’Hôtel Oloffson par des groupes armés, aucune action concrète. Pourtant, ce lieu symbolique de Port-au-Prince était déjà annexé par la terreur. Il aura fallu le feu pour rappeler son existence à l’État.
Fils-Aimé parle de tolérance zéroalors qu’aucune arrestation n’est annoncée, et que les réseaux de terreur continuent de tisser leur domination, du centre-ville jusqu’aux périphéries rurales. Il promet, une fois encore. Comme il avait promis de reconstruire l’hôpital Mews, aujourd’hui oublié dans les décombres de la communication propagandiste ministérielle.
Quant aux outils technologiques nécessaires pour contrer l’avancée des gangs — notamment les drones —, ils sont jalousement monopolisés. À Mirebalais, on demande une assistance concrète pour protéger l’accès à Péligre. Mais le super ministre oppose silence ou centralisation. Diriger ne consiste pas à thésauriser les moyens, mais à déployer les solutions. Gouverner n’est pas gérer la catastrophe en différé, c’est anticiper, équiper, déployer.
À ce rythme, que reste-t-il à espérer? Un nouveau communiqué une fois Péligre envahi? Une minute de silence pour l’École Normale Supérieure demain? L’État haïtien ne gouverne plus : il compatit. Et Fils-Aimé n’incarne ni la fermeté, ni la prévoyance. Il est devenu, malgré lui, le premier ministre de la post-catastrophe — celui qui s’indigne à chaque effondrement, sans jamais les prévenir.
CBA