Haïti – 222e anniversaire du drapeau et de l’Université: discours par le recteur de l’UEH
19/05/2025 09:55:02
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Discours de Dieuseul Predelus, recteur de l’Université d’État d’Haïti:
“(…)
Mesdames et Messieurs,
En ce jour mémorable du 18 mai, nos pensées doivent d’abord se tourner vers les architectes de notre liberté, ceux qui ont versé leur sang pour faire voler cette bannière, un symbole de notre indépendance, de notre unité et de notre résilience. Ce drapeau, que nous chérissons tant, incarne les valeurs de courage, de dignité et de fraternité qui doivent guider chaque étape, au sein de la société universitaire et haïtienne.
La célébration de notre Bicolor et de l’université, ici à Cap-Haitien, loin de son sanctuaire historique d’Arcahaie, reflète de manière poignante la réalité d’une nation dans l’emprise d’une crise multiforme d’une ampleur sans précédent. La société haïtienne est menacée dans son existence même. Les problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui remettent en question notre capacité à construire une communauté ensemble. Le moment est venu à blâmer, mais à reconnaître nos faux pas collectifs et la nécessité de prendre des responsabilités, même une seule fois. Pendant plus d’une décennie, nous n’avons pas empêché la violence de corrompre nos communautés, créant des zones sans loi, des enclaves de peur, du silence et du deuil.
Les plus vulnérables, principalement dans nos bidonvilles, ont payé le prix le plus lourd. Déracinés de leurs maisons, massacrés devant leurs proches, forcés de fuir, ils errent maintenant dans des camps de fortune: églises, écoles, places publiques, bureaux gouvernementaux. La violence a pénétré les murs, il a contaminé nos espaces autrefois sécurisés. Il semble n’avoir aucune destination. L’élite intellectuelle et économique, les étudiants, les professeurs, les investisseurs, les cadres publics et privés, sont exilés par l’instabilité.
Quelle famille haïtienne n’a pas une victime d’enlèvement, de meurtre ou d’exil forcé? Quel secteur économique n’a pas été dévasté? Nos aéroports se vident, nos ports s’endorment, notre Madan Sara ne peut plus voyager d’un département à un autre. L’inflation est des maisons dévastatrices, le chômage pulvérise les repères. Et qu’en est-il de l’Université d’État d’Haïti? Aujourd’hui, c’est l’un des symboles les plus flagrants de l’impact de cette violence aveugle. Les onze entités de Port-au-Prince sont touchées. Les structures sont vandalisées, pilées et inaccessibles; Des milliers d’étudiants, des centaines de professeurs et du personnel administratif ne peuvent pas poursuivre leur travail.
La Faculté de linguistique appliquée abrite actuellement des centaines de personnes déplacées. Le recteur, déjà exigu, essaie de remplacer les espaces qui ont disparu ou sont contrôlés par des gangs, par des ressources limitées. La survie de l’UEH en tant que site du patrimoine historique est un défi qui transcende la responsabilité du recteur mais doit impliquer toutes les parties prenantes de la société. Parce que nous sommes confrontés à la nécessité urgente de déplacer nos facultés, qui n’ont pas d’adresses fixes; développer des cours en ligne; Décentraliser et diversifier nos offres de formation, en particulier en établissant un campus UEH dans la région de Grand Sud et des instituts à cycle court à travers le pays.
À cet égard, je voudrais profiter de cette occasion pour reconnaître le soutien du gouvernement et du ministre de l’Éducation nationale, qui nous a permis de travailler à la location d’espaces temporaires pour assurer un niveau minimum de continuité.
Mesdames et Messieurs,
Nous sommes à un tournant inquiétant. Mais notre histoire est pleine d’exemples d’hommes et de femmes qui ont atteint les défis les plus redoutables. Depuis 1919, grâce à l’initiative de Dantès Bellegarde, le Jour de l’université a été célébré parallèlement à la Journée du drapeau, conférant à la jeunesse haïtienne la responsabilité sacrée de garder ce symbole de notre indépendance. Plus qu’un geste symbolique, c’est un appel au renouveau national, un pacte moral entre les élites et les masses pour l’avenir de notre nation. La crise actuelle découle en grande partie de la rupture de cette union sacrée.
C’est pourquoi l’Université d’État d’Haïti, sous la direction du nouveau conseil exécutif, que j’ai l’honneur de présider, s’engage à restaurer ce lien brisé et à contribuer activement à reconstruire le tissu social. Il est urgent que l’université soit stratégiquement intégrée à la réflexion et à la mise en œuvre des politiques publiques, et qu’elle joue pleinement son rôle dans la formation des cadres et la consolidation de l’État.
En outre, nous accueillons avec enthousiasme la décision conjointe du gouvernement français et du Conseil de transition présidentiel, daté du 17 avril 2025, pour établir une commission conjointe franco-haïtienne à l’occasion du bicentenaire de l’imposition de l’indemnité de 1825. Cette initiative représente une étape majeure vers une compréhension partagée de notre histoire.
Le Conseil de transition présidentiel a confié à l’Université d’État d’État à la noble mission de coordonner le travail du Comité national haïtien pour la restitution et la réparation (CNHRR). Dans cet esprit, nous avons déjà lancé des consultations avec les universités publiques et privées, ainsi que la société civile, en vue de finaliser la composition de ce comité, tout en prenant en compte les contributions précédentes.
Notre ambition est de faire de ce comité un pont solide, un véritable pont entre Haïti et la France, d’abord pour garder la mémoire de l’esclavage, cette injustice historique avec de multiples conséquences. Deuxièmement, poursuivre la lutte pour la restitution et la réparation de la double dette de l’indépendance.
Chers compatriotes,
Oui, les forces du chaos voulaient nous éloigner de notre site emblématique, mais le choix de Cap-Haitien pour cette célébration n’est pas insignifiant. Il porte un fort message de résilience, comme Capois-la-mort, pour qui «Boulèt se pousyè» et dont la bravoure à Vertières a changé le cours de notre histoire. Il n’a pas inventé le mot résilience, mais il était son mode de réalisation le plus brillant. Que ce modèle nous inspire aujourd’hui à construire un nouvel avenir.
Et à vous, chers étudiants de l’Université d’État d’Haïti, des universités publiques et privées, en particulier celles d’entre vous qui ont dû fuir vos maisons, abandonner vos rêves et vos écoles, je dis: n’abandonnez pas! Vous êtes les constructeurs de demain, les gardiens de la mémoire et les artisans du renouvellement. C’est à vous d’écrire le prochain chapitre de notre histoire.
Vive la jeunesse haïtienne!
Vive l’Université d’État d’Haïti!
Vive le drapeau haïtien!
Vive Haïti!
Bonne journée universitaire!
Bonne journée de drapeau à tous!
Hl / haïtilibre
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