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Le retard pris dans la formation du Conseil électoral provisoire (CEP) souligne les difficultés auxquelles sont confrontés les secteurs clés du pays qui tentent de s’entendre sur la désignation de leurs représentants au sein de l’institution chargée d’organiser les prochaines élections. Les divisions et les désaccords mettent en évidence les défis plus vastes de la coordination et de la recherche d’un consensus entre les différents groupes impliqués dans le processus initial.
PORT-AU-PRINCE — Le délai accordé aux secteurs pour désigner leurs représentants au Conseil électoral provisoire (CEP) a expiré le 26 août. Au moment où nous écrivons ces lignes, le Conseil présidentiel de transition (CPT) n’a reçu que des représentants de trois des neuf secteurs impliqués dans le processus, en vertu du décret du 27 mai 2024. La plupart des acteurs n’ont pas encore trouvé de compromis pour choisir leurs représentants.
Les mots compromis et accord n’ont plus guère de poids en Haïti aujourd’hui. Les divisions et les querelles sociales sont évidentes alors que diverses organisations de la société civile s’affrontent au sujet de l’élection de leurs représentants au CEP, qui est chargé d’organiser les élections générales dans le pays avant le 7 février 2026.
Jusqu’à présent, seulement trois des neuf secteurs – le vaudou, la Conférence épiscopale, les cultes réformés, le Conseil universitaire haïtien, les organisations de défense des droits de l’homme, les associations de journalistes, les associations de défense des droits des femmes, les associations d’agriculteurs et le secteur syndical – ont désigné leurs représentants.
Les trois premiers membres connus du CEP sont Jacques Desrosiers pour les associations de journalistes, Marie Florence Mahieu pour le Conseil universitaire haïtien et Patrick Saint-Hilaire pour la Conférence épiscopale. Le CEP devrait être composé de neuf membres représentant un nombre égal de secteurs de la société civile.
Efforts pour résoudre les conflits en cours
Trois secteurs — les associations de journalistes, le Conseil universitaire haïtien et la Conférence épiscopale — ont réussi à résoudre leurs désaccords, tandis que les six autres secteurs désignés continuent à lutter.
Les choix effectués par les associations d’agriculteurs, les organisations de défense des droits de l’homme et les syndicats ont suscité d’importantes protestations de la part des organisations membres de ces secteurs. En outre, d’autres secteurs, comme les cultes réformés, la religion vaudou et les défenseurs des droits des femmes, ont soumis deux noms différents au conseil présidentiel, ce qui complique le travail des membres du CPT.
Louisette Vertilus, leader de la Plateforme des Femmes Organisées pour le Développement de l’Artibonite (PLAFODA), a critiqué l’organisation de défense des droits des femmes Kay Fanm pour avoir tenté de dominer le processus en nommant l’une de ses associées au CEP sans parvenir à un consensus au sein du secteur.
« Kay Fanm a essayé de créer un processus exclusif en mettant de côté les associations et organisations de femmes des villes de province, en accordant seulement deux heures à ces associations pour élire un représentant, contrairement à celles basées dans la capitale », a déclaré Vertilus.
Au départ, PLAFODA avait contesté la méthode de sélection d’une représentante du secteur des droits des femmes. Après de nombreuses controverses, les dirigeants sont revenus à la table des négociations pour poursuivre le dialogue. Pourtant, les conflits restent non résolus.
Une situation similaire s’est produite au sein des organisations de défense des droits humains. Cependant, la Plateforme des organisations de défense des droits humains (POHDH), qui domine habituellement le processus de sélection, a retiré sa direction pour faciliter la participation d’autres groupes. Après de longues négociations et une élection reportée, les organisations impliquées ont finalement convenu d’un représentant. L’Organisation des citoyens pour une nouvelle Haïti (OCNH) a organisé une élection et a choisi Gédéon Jean le 26 août.
« Dans le passé, c’est la POHDH qui a mené ce processus, mais le contexte a changé et c’est l’OCNH qui a pris le relais », a déclaré Jean sur la radio Magik9 après son élection. Son choix n’a cependant pas encore été validé par le conseil présidentiel en raison des contestations en cours.
Dans le secteur universitaire, la plupart des acteurs et dirigeants ont décidé de s’effacer et de laisser l’Université d’État d’Haïti (UEH) mener le processus de sélection à leur place. C’est ainsi que Mathieu a été rapidement choisi pour représenter le secteur de l’enseignement supérieur au CEP.
Le représentant des associations de journalistes a été choisi sans conflit sectoriel. Cependant, le processus n’a pas été transparent. Les principales associations de médias, notamment l’Association nationale des médias haïtiens (ANMH) et l’Association des médias indépendants d’Haïti (AMIH), n’ont pas été impliquées mais ont choisi de ne pas entraver le processus.
En ce qui concerne le secteur des cultes réformés, les choses demeurent conflictuelles. Le 6 août, deux membres de la CPT, Edgard Leblanc Fils et Frinel Joseph, ont rencontré des représentants du Conseil spirituel national des églises (CONASPEH), de la Fédération protestante d’Haïti (FEPAH) et de la Conférence des pasteurs haïtiens (COPAH) pour faciliter les négociations, mais les désaccords persistent. Un désaccord de procédure entre la COPAH et la FEPAH a fait surface, compliquant encore davantage les choses.
« Le retard dans la lettre d’invitation et la manière dont la FEPAH a agi n’inspirent pas confiance », ont déclaré les membres de la COPAH dans un communiqué de presse.
Les conflits dans le secteur du vaudou reflètent ceux du secteur protestant, avec une faction de la Confédération nationale des vaudouisants haïtiens (KNVA) s’opposant au choix de Newton Louis St-Juste, alléguant qu’il n’est pas un membre légitime de la religion.
Les organisations et syndicats d’agriculteurs ont également du mal à choisir leurs représentants. C’est comme une partie de poker : chaque groupe veut gagner.
La mise en place du Conseil électoral provisoire (CEP) est la première étape cruciale du processus électoral en Haïti. Cependant, au-delà du rétablissement de la paix, de la sécurité et de l’ordre dans le pays, les défis rencontrés dans le cadre de cette mise en place soulignent les difficultés du gouvernement de transition à respecter son calendrier.
Les membres du CPT continuent de rencontrer diverses organisations pour faciliter la conclusion d’accords. Il reste cependant à voir combien de temps ils attendront pour aider les secteurs en difficulté, étant donné que la formation du CEP n’est pas leur seule responsabilité.