Aperçu:
Mathias Junior David Thébaud illustre comment les artistes naviguent et inspirent, mettant en valeur la résilience et la richesse culturelle d’Haïti alors même que l’insécurité menace leurs moyens de subsistance.
PORT-AU-PRINCE — Dans son portefeuille croissant d’œuvres riches en symbolisme, l’artiste Mathias Junior David Thébaud Péripéties se démarque. Dans la peinture d’un bicéphale tourbilloncréole pour tourbillon, Thébaud place des flammes rouges pour représenter les efforts fragiles des Haïtiens piégés dans un pays dominé par une autre force, les gangs.
“L’inspiration m’est venue des défis que j’ai dû relever pour continuer à exercer mon travail dans la capitale”, a expliqué Thébaud, 22 ans, lors d’un entretien téléphonique le 4 décembre, le même week-end où un gang massacré près de 200 personnes dans la ville.
« Même face aux obstacles, il est possible de rêver grand et de réaliser ses aspirations », a-t-il déclaré.
À l’ombre des troubles qui secouent Haïti, Thébaud lui-même dresse un portrait des deux forces – lutte et résilience – qui ont défini la vie de tant de personnes. Allant de représentations sereines des paysages d’Haïti à des représentations poignantes de difficultés, ses œuvres relient la culture dynamique d’Haïti avec ses luttes actuelles, à la fois critiques et célébrantes.
Malgré la violence et l’instabilité omniprésentes, l’esprit créatif d’Haïti perdure chez des gens comme Thébaud, des créatifs qui naviguent et défient leur environnement pour cultiver la richesse culturelle du pays.
« Je peux vous le dire, chaque fois que je travaille sur un tableau, c’est toujours un plaisir immense », déclare Thébaud. “Cependant, la situation actuelle dans le pays m’affecte profondément, en tant que jeune artiste.”

Un engagement précoce pour l’art
Thébaud, l’aîné de trois enfants, a grandi dans un quartier de Pétion-Ville, entouré de créativité dans le quartier Nérette, dans la commune de Pétion-Ville. Son père David Thébaud, sculpteur, suscite très tôt la curiosité du garçon pour l’art.
« Le dessin a toujours fait partie de ma vie. Regarder mon père, lui-même artiste, a éveillé ma curiosité pour l’art », se souvient Thébaud.
Alors que l’enfance est marquée par l’instabilité et la séparation dues aux changements familiaux, l’art devient son sanctuaire. Les carnets de croquis offraient un réconfort au milieu du chaos, un lieu pour imaginer et créer librement. Dans son école de Pétion-Ville, enseignants et mentors ont inculqué à Thébaud la valeur de la persévérance et de l’éducation.
En 2010, année dévastatrice pour Haïti après le séisme catastrophique, il a rejoint Espoir de vie pour les enfants (ELT), une institution artistique à Pétion-Ville. Là, il explore la peinture et la sculpture, même si le dessin reste sa véritable forme d’expression. ELT a également présenté Thébaud à un réseau d’autres jeunes artistes, transformant sa passion personnelle en activité professionnelle.
«Lorsque j’ai créé ma première pièce, j’ai ressenti une immense fierté et j’ai réalisé que ce talent était véritablement en moi», dit-il.
L’inspiration derrière la toile
Aujourd’hui, la violence dans La capitale d’Haïti n’épargne personne ni ses moyens de subsistance, y compris les artistes. Autrefois omniprésentes, les expositions sont devenues presque impossibles à mesure que la violence croissante fait fuir les clients, étouffant la visibilité des créatifs.
« Aujourd’hui, c’est très difficile pour nous, jeunes artistes, les gens n’achètent plus d’art » dit Thébaud.
Wislin Monfilston, un ami, fait écho à la réalité.
« Les œuvres manquent de visibilité car les expositions ne peuvent plus avoir lieu comme avant », déplore Monfilston.
Pourtant, Thébaud et ses acolytes ne se laissent pas décourager et canalisent ces difficultés vers l’art. Une œuvre frappante de Thebaud représente une marmite bouillante, sa chaleur rayonnante étant un rappel viscéral de la faim et de l’insécurité alimentaire qui restent douloureusement persistantes pour de nombreuses familles haïtiennes.

Pour encourager ses concitoyens haïtiens à embrasser leur identité et leurs réalisations communes, il crée souvent des pièces telles que VictoireCréole pour Victoire. Le tableau comprend une femme, dont il représente le crâne comme une arme, un poing fermé représentant la résistance et la victoire, et le drapeau bicolore emblématique de la nation, témoignage d’Haïti en tant que première république noire libre.
Pour Thébaud, cette représentation est porteuse d’un message d’espoir : que les générations futures puissent se réapproprier et redéfinir l’héritage de leurs ancêtres.

L’art de Thébaud évoque également le potentiel de transformation d’Haïti. Dans un autre tableau, il attire l’attention sur le besoin urgent de préservation de l’environnement, critiquant la mauvaise gestion qui a exacerbé les difficultés du peuple haïtien.

Inspiration devant et sur scène
Bien que jeune, Thébaud est vice-président du « Haitian Ruby Project », une organisation axée sur l’autonomisation des jeunes par le service communautaire et le développement personnel. Il est également co-fondateur de Zo Design, une petite entreprise spécialisée dans les services d’impression, qui allie discipline, créativité et détermination pour inspirer son réseau.
Avec chaque coup de pinceau, Thébaud espère créer un avenir où l’art haïtien sera célébré à l’échelle internationale.

«Je veux que l’art et la photographie haïtiens reprennent la place qui leur revient sur la scène mondiale», déclare Thébaud.
D’autres ont remarqué ses efforts.
«Son travail reflète la force et la détermination et m’inspire à bien des égards», a déclaré Louis Roosevelt, qui connaît Thébaud depuis l’école primaire. « Malgré les défis, il reste concentré sur l’utilisation de l’art pour élever la culture haïtienne et plaider en faveur de la justice. »
Le talent de Thébaud lui vaut déjà une reconnaissance sur la scène artistique locale. En janvier 2024, son travail a été présenté à Vivons ensemble« Vivons ensemble » en créole, festival d’art à Saint-Michel de l’Attalaye. Cela a contribué à consolider sa présence dans le paysage artistique haïtien.
« Je n’ai aucun doute que son talent rendra Haïti fier », a déclaré Monfilston.
La participation de Thébaud à Artisanat en Fêtel’une des principales vitrines créatives d’Haïti, aux côtés de son père en 2011, reste son étape la plus importante à ce jour.
«C’est une grande réussite, et il y en aura encore d’autres», dit-il. “Je n’ai pas encore pleinement répondu à mes attentes.”
Voici quelques photos des œuvres d’artisans et d’artistes exposées à la vente lors de la 18e édition d’Artisanat en Fête.