Moïse Jean-Charles, leader du parti Pitit Desalin et ancien sénateur du Nord, ne cache pas son mécontentement face à son exclusion présumée du partage des directions générales. À l’approche des nominations officielles, il accuse le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) de l’avoir écarté des postes stratégiques, une situation qu’il considère comme une injustice flagrante. Ce nouvel épisode de tensions politiques soulève une fois de plus la question de la gestion du pouvoir en Haïti, où les rivalités internes semblent prendre le dessus sur les véritables urgences nationales.
L’ex-sénateur affirme avoir été informé de cette mise à l’écart par son représentant, Emmanuel Vertilaire, ancien juge dont le nom a été mentionné dans un rapport de l’ULCC concernant des irrégularités sur un dossier de 100 millions de gourdes. Une révélation qui, au-delà des préoccupations personnelles de Moïse Jean-Charles, met en évidence les arrangements et les luttes d’influence qui entourent les nominations au sein de l’administration publique. Tandis que le pays est plongé dans une crise profonde, entre montée de l’insécurité, effondrement des services publics et exode massif de la population, la bataille pour le contrôle des directions générales semble devenir une priorité pour la classe politique.
Le CPT, constitué de neuf membres représentant divers secteurs, fonctionne dans une logique de partage du pouvoir, où chaque groupe tente d’obtenir une portion du gâteau étatique. Dans ce jeu d’équilibres précaires, Moïse Jean-Charles estime que son camp est victime d’une exclusion injustifiée. Pourtant, Pitit Desalin détient déjà un portefeuille ministériel clé, celui de l’Agriculture, un ministère qui a récemment fait parler de lui à cause du scandale des anguilles et d’autres polémiques budgétaires. Moïse Jean-Charles lui-même avait dénoncé des ressources financières insuffisantes allouées à ce secteur. Aujourd’hui, il voit dans son éviction des directions générales une tentative de l’affaiblir politiquement en vue des prochaines élections.
Ce coup de gueule soulève un paradoxe : les acteurs politiques qui dénoncent aujourd’hui leur marginalisation sont souvent ceux qui ont alimenté les crises successives ayant conduit à cette situation chaotique. De l’ère de Jovenel Moïse à la transition actuelle, les jeux d’alliances et de trahisons n’ont cessé de redessiner la carte du pouvoir. Les plaintes de Moïse Jean-Charles traduisent une réalité bien ancrée dans la culture politique haïtienne : l’exclusion est inacceptable lorsqu’on en est victime, mais tout à fait légitime lorsqu’on en est l’instigateur.
Dans ce climat de tension, un Conseil des ministres doit prochainement officialiser les nominations aux directions générales. Moïse Jean-Charles, conscient que ces postes jouent un rôle essentiel dans l’influence politique et administrative, refuse de rester spectateur d’un processus où son parti semble évincé. Mais cette indignation publique suffira-t-elle à infléchir les décisions du CPT ? Où se situe réellement l’intérêt du pays dans ces querelles de positionnement ?
Une chose est certaine : dans cette arène où chacun défend ses intérêts, la population, elle, continue d’attendre des solutions concrètes aux défis qui l’assaillent au quotidien.
Par Jean Herold Sainvil