PAR Bobb Rousseau, PhD
La propriété centralisée des secteurs clés tels que la banque, le commerce de détail et les transports crée un système d’apartheid économique, empêchant la majorité de la population d’accéder au capital, de posséder des entreprises et de contribuer au développement national. L’absence de structures de propriété décentralisée, fondées sur des modèles de partage d’équité, représente une occasion manquée pour l’investissement de la diaspora et constitue l’une des causes structurelles du sous-développement d’Haïti.
Le système financier haïtien est étroitement contrôlé par une oligarchie enracinée qui, depuis des décennies, manipule les infrastructures économiques afin de consolider son pouvoir. Cette classe élitiste étend ses institutions bancaires, ses concessions automobiles, ses supermarchés et d’autres entreprises commerciales pour renforcer son contrôle, reproduire les inégalités et exclure systématiquement le reste de la population. Leur stratégie d’expansion est verticale et fermée. Au lieu de créer de nouveaux espaces de participation, ils ouvrent davantage de succursales dans les grandes villes, tout en refusant aux Haïtiens ordinaires et aux entrepreneurs de la diaspora toute part significative dans la propriété.
Ce modèle de développement en vase clos concentre le capital et la prise de décision entre les mains d’un petit groupe, ce qui étouffe l’innovation et empêche l’émancipation économique à grande échelle. Il freine le progrès en écartant la majorité des citoyens des instruments de création de richesse, protégeant ainsi les intérêts de l’oligarchie tout en affaiblissant la nation.
La solution repose sur l’adoption de modèles juridiques structurés permettant le partage d’équité, inspirés des cadres utilisés dans les systèmes bancaires modernes comme ceux des États-Unis. Les banques américaines ne fonctionnent pas selon un modèle de franchise au sens commercial du terme. Elles opèrent plutôt à travers des chartes délivrées par les autorités fédérales et étatiques, qui leur permettent d’établir des succursales agréées dans plusieurs régions. Ces succursales sont détenues par la société mère, mais le modèle permet une expansion géographique à grande échelle selon des normes uniformes. Haïti peut adopter une approche similaire en autorisant des partenariats régionaux en équité et des structures de copropriété permettant à des investisseurs haïtiens qualifiés de gérer des succursales dans un cadre réglementaire et transparent.
Un tel changement permettrait de démocratiser la propriété et de décentraliser le contrôle des systèmes financiers et commerciaux du pays. Les entrepreneurs haïtiens et les investisseurs de la diaspora seraient invités à posséder et exploiter des succursales bancaires, des concessions automobiles, des supermarchés et d’autres institutions rentables à travers des modèles de partenariat ou de licences transparentes, tout en maintenant une supervision réglementaire rigoureuse.
La propriété décentralisée des succursales permettrait d’accroître de manière significative l’accès au capital pour les Haïtiens qui sont systématiquement exclus par le modèle actuel. Le financement est souvent refusé sur la base de la classe sociale, des affiliations politiques ou de la localisation géographique. Un modèle de copropriété régionale permettrait à ces individus de devenir actionnaires, investisseurs et opérateurs économiques. Le capital serait entre les mains de ceux qui ont des idées, des compétences, et des liens profonds avec leurs communautés.
Ce cadre ouvrirait également la voie à une expansion des services bancaires dans les régions défavorisées ou éloignées du pays. De nombreux Haïtiens originaires de villes sans infrastructure bancaire seraient prêts à investir dans l’exploitation de succursales locales si l’opportunité leur était donnée. Plutôt que de forcer les citoyens à se rendre à Port-au-Prince pour accéder à des services financiers, le pays pourrait leur permettre de construire des infrastructures locales favorisant l’inclusion, la création d’emplois et le développement régional.
Un modèle décentralisé offre une cohérence opérationnelle, une structure juridique claire et une solidité institutionnelle. En parallèle, il favorise la propriété locale, la réinjection des ressources dans les communautés et une meilleure circulation de la richesse. Une nouvelle génération de propriétaires haïtiens pourrait émerger si chaque banque centrale du pays adoptait un cadre de partenariat en équité similaire aux systèmes de succursales autorisées à l’étranger. Ces propriétaires auraient un intérêt direct dans l’économie locale, un engagement envers la transparence et le service, ainsi qu’une motivation à investir à long terme. Le capital de la diaspora trouverait enfin une voie d’investissement légitime et structurée, sans être filtré par les circuits exclusifs et opaques de l’oligarchie.
Le système centralisé actuel repose sur l’idée fausse que seules les élites sont capables de gérer le capital avec responsabilité. Cette croyance est un mythe, construit pour maintenir l’hégémonie. Pendant ce temps, des Haïtiens hautement qualifiés, motivés et compétents, tant à l’intérieur du pays qu’à l’étranger, restent exclus de ce système. Dans une ère marquée par l’inclusion et l’accès partagé, Haïti n’a pas besoin d’une nouvelle chaîne monopolistique de succursales dans la capitale, mais d’un réseau financier décentralisé, conçu par des Haïtiens et pour des Haïtiens prêts à contribuer.
Le statu quo récompense l’exclusion, l’inefficacité et la décadence économique. Un modèle régional fondé sur le partage de l’équité offre une voie concrète, ouvre des portes à ceux qui ont longtemps été laissés pour compte et pose les fondations d’un développement équitable, transparent et durable.
Les portes doivent s’ouvrir. Haïti ne peut pas se permettre une génération de plus en captivité économique sous couvert d’ordre.
Bobb RousseauPhD