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Roula Khalaf, rédactrice en chef du FT, sélectionne ses histoires préférées dans cette newsletter hebdomadaire.
À la grande surprise du reste de l’Europe, peu de questions en Grande-Bretagne suscitent autant de controverses que le système d’identité nationale. Les opposants ont longtemps décrié les cartes d’identité comme étant la voie vers un État de surveillance orwellien. Le Premier ministre Sir Keir Starmer a déjà exclu toute suggestion selon laquelle son gouvernement travailliste devrait introduire des cartes d’identité numériques pour contrôler l’immigration. Mais alors que la Grande-Bretagne tente de réformer et de moderniser ses services publics défaillants, malgré les différends et les difficultés, il serait logique d’intégrer un système d’identité numérique dans ses plans.
Les cartes d’identité numériques présentent des avantages potentiels bien au-delà des anciennes cartes d’identité avec photo. Combinant généralement un identifiant numérique fourre-tout avec des informations personnelles et des données biométriques, ils peuvent être utilisés pour simplifier l’accès aux services publics et effectuer des transactions avec des entreprises privées. Ils peuvent être étendus pour stocker des documents officiels, des qualifications, des cartes de membre et devenir un portefeuille numérique. L’Estonie, pionnier de « l’État électronique » dont les citoyens peuvent utiliser e-ID pour tout, de la commande d’ordonnances au vote, estime que le système permet d’économiser 2 pour cent du PIB un an. D’autres pays comme AustralieSingapour et Italie ont mis en place des systèmes d’identification numérique, volontaires ou obligatoires.
Une identité électronique britannique pourrait dynamiser la réforme du service public – en aidant, par exemple, à intégrer les dossiers de santé personnels et les données des patients et à rationaliser les prestations sociales. Le Tony Blair Institute for Global Change, un groupe de réflexion créé par l’ancien Premier ministre (un partisan de longue date de l’identification numérique), estimations un tel système pourrait dynamiser les finances publiques d’environ 2 milliards de livres sterling par an, principalement en réduisant la fraude aux prestations sociales et en améliorant la collecte des impôts, en plus de gains économiques plus larges. Il estime qu’il s’agit d’un système volontaire, construit en partie sur le système existant – mais discret – du gouvernement. Une seule connexion Une initiative visant à permettre une connexion unique aux services gouvernementaux pourrait être mise en place d’ici une législature et 90 pour cent des citoyens s’inscriraient.
Une identification numérique fonctionnelle pourrait éviter la recherche de documents lors de l’ouverture de comptes bancaires ou de l’achat d’une maison, et contribuerait à prévenir le vol d’identité. Les partisans soutiennent qu’un système d’identité nationale pourrait également contribuer à réduire le nombre de migrants « en petits bateaux » traversant la Manche. Des preuves anecdotiques suggèrent que l’un des principaux attraits du Royaume-Uni est la perception selon laquelle le manque de cartes d’identité facilite la disparition dans l’économie grise que dans de nombreux pays homologues européens. Exiger une carte d’identité électronique pour accéder aux allocations et au logement pourrait avoir un effet dissuasif sur les migrants sans papiers et les gangs de trafiquants d’êtres humains.
Il existe de nombreuses raisons d’être prudent. Il est essentiel de disposer de la bonne technologie étant donné le caractère sensible de la confidentialité des données et les dangers du piratage et des cyberattaques. La Grande-Bretagne a un bilan lamentable en matière d’informatique dans le secteur public – pensez au scandale Post Office Horizon. Certains membres du parti travailliste affirment qu’un projet d’identification numérique est trop complexe et politiquement nocif pour ajouter au défi de la reconstruction de services déjà surchargés et en manque de liquidités. Certains sont marqués par l’opprobre qui a voué à l’échec le projet d’identité nationale mis en place après le 11 septembre, dans une conjoncture économique bien plus favorable, par le gouvernement Blair.
Mais il existe de nombreux systèmes opérationnels ailleurs dont la Grande-Bretagne pourrait s’inspirer ou copier. Une grande partie de l’informatique du service public est tellement dépassée qu’il vaut la peine d’essayer de passer à la technologie de nouvelle génération, comme l’Estonie l’a fait dans les années 1990. Les arguments en matière de confidentialité ont moins de force lorsque la plupart des adultes transportent volontiers des smartphones remplis d’applications capables de tout suivre, du nombre d’étapes qu’ils effectuent à la couleur des chaussettes qu’ils achètent.
Même si l’opposition se fait toujours entendre, un sondage YouGov de l’année dernière a révélé que plus de la moitié des adultes britanniques soutiennent les cartes d’identité obligatoires. Une carte d’identité électronique au Royaume-Uni nécessiterait un débat et une consultation. Ce ne serait pas facile. Mais si la Grande-Bretagne veut réellement un État moderne, c’est une idée qui arrive à point nommé.



