Les Evêques catholiques d’Haïti tirent la sonnette d’alarme sur la situation d’un pays en détresse

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La Conférence Épiscopale d’Haïti (CEH) a lancé samedi un vibrant message concernant la situation de plus en plus précaire du pays. Dénonçant la montée de la violence, la paralysie des institutions et la souffrance de la population, les évêques en appellent à une action urgente pour rétablir la paix et redonner espoir à un peuple en détresse.

Haïti vit une période de tensions intenses. La capitale est le théâtre d’une escalade de la violence armée, avec des quartiers entiers passés sous le contrôle de groupes armés. Les institutions publiques sont défaillantes, les écoles fermées, et même les infrastructures stratégiques comme l’aéroport Toussaint Louverture sont à l’arrêt. Face à cette situation de désolation, les évêques décrivent un tableau sombre : « Pa gen lavi tout bon vre nan peyi a » (il n’y a pas de vie réelle dans le pays), souligne leur note.

Interpellant directement les responsables politiques et les acteurs de la société civile, les évêques leur demandent d’assumer leurs devoirs à l’égard du peuple. Ils insistent sur l’urgence de restaurer l’autorité de l’Etat et de protéger les citoyens, rappelant que la mission fondamentale de tout gouvernement est de servir le bien commun. Cette position inclut également une condamnation de la violence sous toutes ses formes, affirmant qu’elle est incompatible avec la recherche d’une paix durable.

Ainsi, pour les membres de la CEH, la crise actuelle dépasse les clivages politiques et sociaux. Ils invitent tous les Haïtiens, qu’ils soient dirigeants, militants ou simples citoyens, à privilégier l’unité nationale plutôt que les intérêts individuels. « Avni pèp la an danje. Fòk gen kichòy ki fèt » (L’avenir du peuple est en danger. Nous devons agir), avertissent-ils, tout en insistant sur la nécessité d’éliminer les sentiments de haine, de vengeance et de violence.

La CEH ne se contente pas de dénoncer : elle propose également une voie basée sur la solidarité et la foi chrétienne. Les évêques encouragent les fidèles à persévérer dans la prière et à travailler ensemble pour bâtir un avenir basé sur la justice et la dignité humaine. Ils rappellent que la paix, en tant que « kado Bondye » (cadeau de Dieu), nécessite des efforts concertés de tous ceux qui œuvrent pour le bien de la société.

Hommage aux victimes et soutien spirituel

Dans leur message, les évêques adressent une pensée particulière aux familles endeuillées, aux déplacés et à tous ceux qui souffrent des conséquences de cette crise. « Se pou kenbe Lesperans nou fèm nan Bondye » (gardons fermement notre espérance en Dieu), écrivent-ils, appelant à la prière et à la solidarité comme armes face à l’adversité.

En prenant cet engagement public, la Conférence épiscopale d’Haïti réaffirme son rôle prophétique dans la société. Leur démarche rappelle que la recherche de solutions viables exige à la fois des sacrifices et un engagement sincère en faveur du respect de la vie et de la dignité humaine.

Enfin, la CEH exhorte tous les acteurs nationaux et internationaux à ne pas rester passifs face à la tragédie haïtienne. Ce message, signé par des personnalités telles que Mgr Max Leroys Mésidor et le Cardinal Chibly Langlois, résonne comme un cri d’alarme : sans un sursaut collectif, l’avenir d’Haïti est en péril.

« Que Dieu protège Haïti que nous aimons tous » (Que Dieu protège Haïti, notre chère patrie).

Par cet appel à la mobilisation, les évêques rappellent que seul un effort commun, guidé par la foi et la solidarité, peut sauver la nation de cette crise sans précédent.


Demander la paix et l’unité au sein de la nation.

“Aujourd’hui, si vous entendez la voix du Seigneur qui vous parle, ne fermez pas votre cœur. » (Hébreux 3, verset 15)

À tous nos frères et sœurs, Et à tous ceux qui ont de la bonne volonté,

Nous, évêques catholiques d’Haïti, nous sentons très préoccupés par la situation politique et les graves problèmes de sécurité qui ravagent le pays, notamment l’augmentation de la violence dans de nombreux endroits de la capitale et de ses environs. Une fois de plus, nous élevons la voix pour exiger la paix et l’unité de la nation.

Notre mission prophétique en tant qu’évêques nous oblige à dénoncer ces actes de violence qui détruisent le pays et sèment des souffrances sans fin. Ces actes provoquent la mort de nombreux innocents et de nombreuses personnes sont contraintes de quitter leur foyer. Ils provoquent une grande anxiété dans chaque foyer. En ces jours sombres, beaucoup de nos frères et sœurs vivent dans une grande peur, ils ont perdu leurs droits fondamentaux, comme le droit à la sécurité, le droit à la vie et la liberté de mouvement. Même les avions ne sont pas épargnés. L’aéroport Tousen Louverti est fermé et cela nous isole de tous les autres pays. La capitale est bloquée, les écoles sont fermées, toutes les activités sont paralysées. Il n’y a pas de vraie vie dans le pays.

Personne ne peut accepter une telle situation. Ces choses sont le résultat d’actes contraires au plan de Dieu et à la dignité humaine. Cette situation aggrave la misère des populations qui souffrent déjà de graves problèmes économiques et sociaux. Nous ne pouvons rester indifférents à cette tragédie.

La violence ne peut apporter ni solution ni salut aux peuples. Nous ne pouvons pas espérer trouver la paix en semant la violence. La paix est un don de Dieu, mais elle requiert les efforts de toutes les personnes de bonne volonté pour construire une société comme Dieu la veut (cf. Introduction au Compendium de la doctrine sociale de l’Église).

Nous encourageons ceux qui sont chargés de gouverner le pays à agir avec détermination pour restaurer la sécurité et protéger les citoyens, comme l’exige leur mission principale : celle de servir le bien de tous (cf. Gaudium et Spes, 74 § 4). Cela nécessite la restauration de l’autorité de l’État, mais en même temps la réconciliation de la nation avec elle-même.

Nous invitons tout le monde, ceux qui gouvernent le pays, les membres de la société civile et tous les acteurs qui ont des responsabilités dans cette crise, qu’ils aient ou non les armes à la main, à reconnaître que cette situation ne doit pas rester ainsi. Il est important que nous trouvions la meilleure façon de gouverner le pays et de résoudre ce problème de violence incessante. L’avenir du peuple est en jeu. Il doit y avoir un quichoy né.

Au nom de Dieu qui veut la vie pour tous ses enfants, au nom du respect de la vie et de la dignité humaine, nous demandons de respecter la vie humaine et de consentir sans délai au véritable sacrifice requis pour trouver une solution à cette crise. Chaque Haïtien doit œuvrer pour la paix et se débarrasser de tout sentiment de haine, de vengeance et de division.

Nous encourageons les fidèles chrétiens à ne pas se laisser envahir par le désespoir. La foi en Dieu doit nous inciter à travailler ensemble pour construire un avenir où règne la justice, où la vie de chacun est respectée et protégée.

Nos condoléances vont à toutes les familles qui pleurent la perte d’une personne dans ces événements. Avec tout le peuple de Dieu, nous prions pour le rétablissement de ceux qui sont hospitalisés, pour que Dieu donne beaucoup de courage à ceux qui sont dans la rue ou qui se réfugient chez un bon voisin. Nous souhaitons du courage à toutes les personnes qui souffrent physiquement et mentalement.

Gardons ferme notre espérance en Dieu, prions sans cesse et soyons solidaires les uns des autres. Que Dieu nous fasse grâce, qu’il nous bénisse ! Laissez-le protéger Haïti que nous aimons tous !


Cette note a été publiée à Port-au-Prince, siège de la Conférence des évêques catholiques d’Haïti, le 15 novembre 2024, jour de la mémoire de Saint Albert le Grand, évêque, docteur de l’Église.


Voici les signatures des membres du Conseil permanent de la Conférence des évêques catholiques d’Haïti :

  • Mgr Max Leroys MÉSIDOR
    Archevêque Métropolitain de Port-au-Prince
    Président de la CEH
  • Mgr Désinord JEAN
    Évêque de Hinche
    Économe de la CEH
  • Mgr Joseph Gontrand DÉCOSTE, SJ
    Évêque de Jérémie
    Secrétaire Général de la CEH
  • Chably Cardinal LANGLOIS
    Évêque des Cayes
    Conseiller

À suivre