La complexité des groupes armés et de la lutte en Haïti

Share on facebook
Share on twitter
Share on linkedin
Share on email

Des soldats de la famille du G9 et de leurs alliés manifestent contre le Premier ministre Ariel Henry à Port-au-Prince le 19 septembre 2023. Photo : Odelyn Joseph/AP

TPour comprendre la crise actuelle en Haïti, il faut d’abord retracer l’évolution des groupes armés qui ont transformé le pays en zone de guerre.

Au cours des trois dernières décennies, des groupes armés de quartiers pauvres ont émergé en Haïti (principalement dans la capitale) et se sont battus pour défendre leur territoire, leurs ressources et leur influence. Mais un changement majeur s’est produit lorsque les groupes armés ont formé des alliances en 2020.

La coalition initiale était le G9, mais le G-Pèp a été formé dès le lendemain en réponse. Les deux coalitions armées mené des batailles sanglantes pour les trois années suivantes, mais en février 2024, ils ont finalement réussi à faire la paix et à fusionner. Ils opèrent désormais sous une bannière commune appelée Vivre ensemble (Vivre ensemble).

Cette fusion, qui a commencé par intermittence en septembre 2023, finalement réussi en février 2024, lorsqu’ils s’unirent définitivement pour chasser l’ancien Premier ministre de facto Ariel Henry du pouvoir.

Les groupes qui ont rejoint le Vivre ensemble Ils ont compris quelque chose de fondamental : leur force ne pouvait pas se réaliser par un affrontement désorganisé mais seulement par l’unification de leurs moyens et de leur pouvoir. En tant qu’alliance organisée, le Vivre ensemble peut coordonner ses actions avec une précision qui déroute et déborde la Police Nationale d’Haïti (PNH).

Cependant, le Vivre ensembleL’émergence de ce phénomène se heurte aujourd’hui à la montée des groupes dits « d’autodéfense ».

Le Premier ministre haïtien Garry Conille (au centre, la main sur le cœur) avec des membres du CPT et d’autres responsables gouvernementaux.

À première vue, ces groupes apparaissent comme des communautés qui se mobilisent pour protéger leurs foyers et leur sécurité. C’est ainsi que les médias traditionnels présentent le tableau. Toutefois, la réalité est bien plus complexe.

Il faut se demander : qui arme ces nouveaux groupes « d’autodéfense » en armes de guerre et en munitions ? Qui finance cette « légitime défense » qui, par ailleurs, opère souvent de manière totalement illégale ?

Nous savons que bon nombre des quartiers qui sont ensuite devenus partie intégrante de la Vivre ensemble étaient à l’origine armés par la bourgeoisie haïtienne et ses branches politiques – comme le Secteur Populaire Démocratique d’André Michel – pour servir de fantassins dans leur bataille contre le président Jovenel Moïse. Plus tard, ils ont été armés par les responsables de Henry pour lutter contre la poussée révolutionnaire du G9 en 2021 et 2022, dont les revendications politiques devenaient de plus en plus pointues et révolutionnaires.

Les comités « d’autodéfense » que l’on voit dans des villes comme Pont Sondé et Arcahaie, ainsi que dans des quartiers comme Solino, également financés par la bourgeoisie et l’État, aujourd’hui dirigés par les nouveaux dirigeants nommés par le secrétaire d’État américain Anthony Blinken, le Premier ministre Garry Conille et le Conseil présidentiel de transition (TPC) composé de neuf dirigeants. ? Washington apporte-t-il également son soutien à ces comités « d’auto-défense » ?

Ensemble, écrivons un nouveau chapitre, celui d’une Haïti souveraine, pacifique et prospère.

Ce ne sont pas des questions triviales. Ils révèlent une réalité inconfortable : Haïti est pris dans un jeu de pouvoir où le chaos est devenu un outil de contrôle. C’est le résultat de décennies de manipulation, où chaque geste est calculé pour maintenir le pays dans un état d’anarchie permanente et contrôlée.

Bref, il y a des marionnettistes dans les coulisses, qui travaillent à perpétuer notre division et notre oppression, à nous affaiblir de l’intérieur. Ils tirent les ficelles dans l’ombre, contents de voir notre pays consumé par des violences fratricides.

Il existe toute une série de groupes de « droits de l’homme » et d’autres défenseurs qui prétendent agir dans l’intérêt du « peuple », mais il a été démontré qu’eux aussi ne sont généralement que des pions dans ce jeu beaucoup plus vaste de contrôle et de manipulation.

Nous devons faire face à la vérité : tant que nous nous battons entre nous, nous restons vulnérables et faciles à manipuler. Pendant que nous nous épuisons dans les guerres internes, ceux qui fournissent les armes, qui orchestrent les alliances, qui financent les divisions, continuent de tirer les ficelles en toute impunité, de manière invisible, tout en regardant notre pays sombrer dans le chaos.

Examinons les modèles de plus près.

Quand Vivre ensemble Si le pays gagne en influence et contrôle des territoires entiers, des groupes « d’autodéfense » apparaissent soudain, armés, organisés et prêts à se battre. Une guerre civile semble se profiler, et non plus entre bandes rivales. Les médias la présentent désormais comme une bataille entre « la population » elle-même et le Vivre ensemble bloc, comme s’il ne faisait pas également partie de « la population ». Cela soulève une question cruciale : à qui profite réellement cette division entre les communautés ?

La classe dirigeante d’Haïti et ses maîtres néocoloniaux ont longtemps bénéficié économiquement et politiquement des conflits au sein des masses, conflits qui résultent des inégalités, de l’abandon de l’État, de la pauvreté systémique et de la corruption généralisée.

Cette division de classe est déguisée et cachée lorsque les dirigeants et les détenteurs du pouvoir attisent les flammes de la division et de la méfiance parmi les masses, leur faisant oublier que leur véritable force réside dans l’unité, dans la résilience et la résistance collectives et dans l’amour d’un avenir commun. D’où les slogans : «Le peuple uni ne sera jamais vaincu” ou “L’Union fait la force.»

Chaque fois que nous nous battons les uns contre les autres, chaque fois que le sang coule, de sombres intérêts s’enrichissent, des agendas étrangers sont en jeu, des puissances invisibles prennent le contrôle.

Haïti est à la croisée des chemins et le chemin que nous empruntons aujourd’hui déterminera l’avenir de notre nation pour les générations à venir. Nous ne pouvons plus nous permettre de rester prisonniers de la haine et de la violence implantées parmi nous. Il est temps de transformer notre douleur en force collective et de construire ensemble un pays où la paix, la justice et la dignité humaine sont les fondements d’un avenir meilleur.

Nous avons besoin d’un réveil collectif. Pour ce faire, nous devons nous éduquer, nous remettre en question, réfléchir aux dynamiques sociales et politiques qui nous entourent et comprendre les jeux de pouvoir auxquels nous sommes confrontés. C’est en connaissant les causes profondes de notre malheur que nous pourrons y mettre un terme.

Si nous n’en prenons pas conscience, nous serons toujours vulnérables à la manipulation. De même, lorsque nous prendrons conscience de notre pouvoir, nous acquerrons la capacité collective de briser ce cycle destructeur.

Nous devons arrêter de nous battre pour un pouvoir que nous n’avons jamais eu. Le véritable combat est pour l’unité, pour la justice, pour un État fort et indépendant, libre des influences extérieures qui alimentent nos divisions. Haïti ne pourra se relever que si nous comprenons que nous avons été manipulés pour nous déchirer. L’avenir d’Haïti dépend de notre volonté de nous unir, de notre force à surmonter les schémas de manipulation et de notre engagement à construire une nation où chacun peut vivre dans la dignité et le respect.

Nous, peuple haïtien, devons reprendre le contrôle de notre destin. Notre rôle commence par un choix conscient : prendre conscience de notre rôle dans ce changement, déterminés à ne plus être les marionnettes des intérêts étrangers, mais plutôt les acteurs souverains de notre propre destin.

Le véritable combat est pour l’unité, pour la justice, pour un État fort et indépendant, libre des influences extérieures qui alimentent nos divisions.

Il est temps de construire un nouveau modèle social, basé sur l’unité, la coopération et le respect mutuel. Cela ne signifie pas fermer les yeux sur les injustices ou pardonner les crimes. Cela signifie concevoir des moyens durables pour garantir une justice équitable, un système dans lequel l’État ne répond plus aux intérêts privés mais au bien commun.

Ensemble, écrivons un nouveau chapitre, celui d’une Haïti souveraine, pacifique et prospère. Le temps est venu de créer une culture de dialogue, dans nos quartiers, dans nos familles, dans nos communautés. Elle doit inclure toutes les voix, des plus marginalisées aux plus influentes. Nous ne pouvons pas changer notre situation en restant enfermés dans des clans, des alliances pour survivre.

Aujourd’hui, j’en appelle à chaque Haïtien : réfléchissez aux jeux de pouvoir autour de vous, aux forces qui profitent de vos divisions, aux discours qui vous sont imposés. Ne vous laissez pas entraîner dans des luttes qui ne vous appartiennent pas. Soyez unis, soyez conscient de votre valeur collective et refusez de laisser les autres dicter le cours de votre avenir.

Ensemble, transformons l’énergie destructrice en force créatrice. Ne laissons pas Haïti devenir le théâtre d’ambitions extérieures, ni la proie de divisions orchestrées par ceux qui souhaitent voir notre pays à genoux. Refusons de nous battre les uns contre les autres pour des raisons qui ne sont pas les nôtres. Bâtissons plutôt une Haïti souveraine et résiliente, où la dignité de chaque citoyen est respectée, où la voix du peuple est entendue et où la justice, l’éducation et la paix constituent le fondement d’une société libre et éclairée.

L’avenir est entre nos mains. Ne nous laissons plus manipuler. Ne soyons plus les pions d’une histoire écrite par d’autres. Écrivons ensemble l’histoire d’une nation qui se relève, qui se réinvente et qui incarne enfin les valeurs d’unité et de respect.

La reconstruction de notre pays, de notre identité, de notre dignité commence aujourd’hui, par nous et pour nous.

À suivre