Le Conseil électoral provisoire d’Haïti est enfin terminé après un processus controversé

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Malgré les divisions et les protestations persistantes concernant le processus de sélection de ses représentants, le Conseil électoral provisoire (CEP) d’Haïti est désormais parachevé avec l’installation des deux membres disparus. Les différends et désaccords ont déjà semé le doute sur la capacité du conseil à faciliter des élections libres et équitables dans un pays en proie à une escalade de la violence des gangs et à des allégations de corruption au sein du gouvernement de transition.

PORT-AU-PRINCE— Le Conseil Électoral Provisoire (CEP) d’Haïti est enfin au complet après que Yves Marie Edouard et Rose Thérèse Magalie Georges ont prêté serment en tant que membres le 13 décembre. Leur installation marque un tournant, comme pour la première fois depuis la sélection processus commencé en maile conseil peut fonctionner avec son effectif complet de neuf membres chargés d’organiser des élections longtemps retardées.

Cette évolution fait suite à une réunion du Conseil des ministres du 4 décembre, au cours de laquelle les nominations ont été approuvées par le Conseil présidentiel de transition (CPT) et le cabinet du Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé. Ces nominations ont toutefois été éclipsées par de nombreuses protestations et critiques de la part de factions politiques contestant la légitimité de la composition du Conseil.

Aucune élection n’a eu lieu en Haïti depuis l’entrée en fonction du défunt président Jovenel Moïse en 2017. Les retards ont plongé le pays dans une crise politique prolongée, le pouvoir étant concentré entre les mains de quelques dirigeants de transition.

Le nouveau CEP est chargé de conduire Haïti vers les élections, qui devraient avoir lieu d’ici la fin de 2025. Edouard, qui représente le secteur des organisations de femmes, et Georges, qui représente les organisations de défense des droits humains, ont pris leurs fonctions au milieu de nombreuses protestations, notamment de la part du secteur des droits humains, qui considère que la décision de leur nomination a été imposée « manu militaire ».

Rose Thérèse Magalie Georges, représentante du secteur des droits de l’homme en Haïti, a signé le serment lors de sa cérémonie d’investiture en tant que membre du Conseil électoral provisoire à Pétion-Ville le vendredi 13 décembre 2024. Photo via la Présidence d’Haïti.

Le cérémonie was held at the École de la Magistrature (EMA) à Pétion-Ville, une banlieue vallonnée du sud-est de Port-au-Prince. Plusieurs journalistes, responsables gouvernementaux et représentants de la société civile étaient présents.

Le président du CPT, Voltaire, a souligné dans son discours lors de l’installation que le CEP fait partie des efforts visant à restaurer les institutions démocratiques d’Haïti.

Il a exhorté les membres de l’institution électorale à démontrer leur attachement à cette mission.

“C’est une étape cruciale que nous franchissons aujourd’hui vers la légitimité de nos institutions”, a déclaré Voltaire. “J’exhorte les nouveaux conseillers électoraux à se mettre au travail avec engagement et conviction pour assumer cette lourde responsabilité.”

Les nominations ont été faites, non sans contestations et désaccords

L’installation intervient près de trois mois après le sept autres membres ont été nommés le 18 septembre 2024. Depuis si longtemps, les conflits autour des représentants manquants des secteurs des femmes et des droits humains mettent en évidence le manque endémique de compromis entre les dirigeants haïtiens et les secteurs vitaux du pays.

En effet, le processus de sélection des neuf membres du CEP a été plutôt compliqué, entaché de différends et de critiques.

Par exemple, dans le secteur des droits de l’homme, la nomination provisoire et avortée de Gédéon Jean a encore divisé le secteur, certains rejetant le directeur exécutif du Centre d’analyse et de recherche en droits de l’homme (CARDH) tandis que d’autres l’ont soutenu. Finalement, c’est Rose Thérèse Magalie Georges qui a été désignée pour remplacer Jean. Pourtant, elle non plus n’est pas entièrement acceptée. Dans un lettre adressée au CPT le 6 décembre, plusieurs organisations de défense des droits de l’homme ont contesté son choix de représenter le secteur, qualifiant le processus d’antidémocratique.

Selon ces organisations, l’exclusion de Jean au profit de Georges viole le Accord du 3 avrilqui sert de cadre de transition et garantit les droits démocratiques des organisations de défense des droits de l’homme à faire partie des neuf entités formant le CEP.

« Cette décision du CPT constitue immédiatement une violation flagrante des principes démocratiques et de l’État de droit auxquels nous aspirons tous », peut-on lire dans la lettre.

« Cet acte signale déjà une prédisposition à manipuler le référendum annoncé et les élections à venir, c’est-à-dire le choix démocratique des citoyens haïtiens, le peuple souverain. »

Yves Marie Edouard, représentante des organisations de femmes d’Haïti, a signé le serment lors de sa cérémonie d’investiture en tant que membre du Conseil électoral provisoire à Pétion-Ville le vendredi 13 décembre 2024. Photo via la Présidence haïtienne.

Malgré les protestations, le CPT n’est pas revenu sur ses décisions. Le 4 décembre, lors d’un Conseil des ministres, il valide les noms d’Édouard et de Georges. Désormais, le pays connaît les noms de tous les membres du Conseil Électoral Provisoire, qui détiennent une partie du destin de la nation et de celui du peuple haïtien. Les Haïtiens rêvent de dirigeants élus lors d’élections crédibles, capables de mettre fin à la crise de gouvernance et d’élaborer et de mettre en œuvre un plan de sécurité à long terme.

Voici les neuf membres qui composent le nouveau CEP :

  • Yves Marie Edouard, représentant du secteur des femmes
  • Rose Thérèse Magalie Georges, représentante du secteur des droits de l’homme
  • Marie Florence Mathieu, représentante du secteur universitaire
  • Schnaïda Adely, représentante de la filière Vodou
  • Jacques Desrosiers, représentant des associations de journalistes
  • Peterson Pierre-Louis, représentant des sectes réformées
  • Némrod Sanon, représentant des syndicats
  • Patrick Saint-Hilaire, représentant de la Conférence Épiscopale d’Haïti (CEH)
  • Jaccéus Joseph, représentant des associations d’agriculteurs

Un CEP vise à travailler dans un contexte d’insécurité croissante

Les autorités de transition haïtiennes marquent désormais un point en formant le Conseil électoral provisoire. Cependant, de nombreux observateurs pensent que l’activer pour le rendre pleinement opérationnel reste très difficile en raison de la paralysie du pays par les gangs armés.

Malgré tous les obstacles, l’achèvement du CEP représente une lueur d’espoir pour de nombreux Haïtiens désespérés de revenir à une gouvernance démocratique. Le succès du Conseil dépendra de sa capacité à surmonter un champ de mines composé de menaces sécuritaires, de défis logistiques et de résistance politique.

Pour l’instant, les membres nouvellement assermentés font face à une bataille difficile pour gagner la confiance du public et répondre aux attentes élevées placées sur leurs épaules.

« Il s’agit d’une étape cruciale que nous franchissons aujourd’hui vers la légitimité de nos institutions. J’exhorte les nouveaux conseillers électoraux à se mettre au travail avec engagement et conviction pour assumer cette lourde responsabilité.

Leslie Voltaire, président du Conseil présidentiel de transition

Organiser des élections dans un contexte où la violence des gangs fait des ravages et a déjà causé la mort d’environ 5 000 personnes cette année reste flou pour la plupart. Plus de 85 % des territoires de la capitale sont contrôlés par des groupes armés criminels, ce qui entraîne le déplacement d’un total alarmant de plus de 700 000 personnes à travers le pays.

Depuis son entrée en fonction il y a trois mois, la seule action entreprise par le CEP en préparation des élections a été une évaluation des infrastructures électorales et des structures décentralisées, notamment dans les départements du Nord, du Nord-Est, du Centre et du Haut Artibonite, lors d’une tournée du 6 décembre au 11.

Dans un déclaration datée du 8 décembreles conseillers électoraux ont confirmé avoir procédé à un inventaire des bureaux électoraux départementaux (BED) et des bureaux électoraux communaux (BEC) de ces régions. L’objectif était d’évaluer l’état physique des bâtiments, la disponibilité des équipements et les besoins de ces structures pour les rendre fonctionnels.

“Les données collectées guideront le Conseil dans les prévisions budgétaires et la prise de décision visant à renforcer les structures décentralisées”, ont indiqué les conseillers électoraux. “En outre, le Conseil électoral provisoire envisage de revitaliser le personnel du BED et du BEC en vue du référendum et des élections générales.”

Un CPT affaibli a créé le CEP malgré les inculpations de trois conseillers

Outre l’influence des bandes armées, scandale de corruption impliquant trois membres du Conseil présidentiel de transition – Louis Gérald Gilles, Emmanuel Vertilaire et Smith Augustin – a affaibli la période de transition. Suite à un rapport de l’Unité Anti-Corruption d’Haïti (ULCC), le juge Benjamin Félismé de la juridiction de Port-au-Prince a inculpé les trois conseillers et les a convoqués devant le tribunal.

Après ce nouveau développement du dossier, les secteurs politiques, notamment ceux représentés par les inculpés, ont appelé à la démission de leurs représentants. Cependant, ces partis ont perdu le contrôle de leurs représentants, qui refusent de se retirer alors que leurs noms sont liés à des affaires de corruption.

En effet, la coalition politique RED/EDE a abandonné Augustin, et Pitit Dessaline a tourné le dos à Vertilaire, tandis que l’Accord du 21 décembre a laissé Gilles sur place. Cette situation entrave la progression du CPT, censé remettre le pouvoir à des élus dûment élus le 7 février 2026.

Dans un note de positionnement Signés par ces partis le 13 décembre, ils soulignent que la présence des trois conseillers donne une image négative de l’exécutif du pays.

« La présence, avec la complicité de leurs pairs au sein du CPT, des trois conseillers-présidents inculpés (…) porte atteinte aux actions entreprises par l’exécutif », ont déclaré les signataires du communiqué.

Ils mettent en avant plusieurs autres actions du CPT qui devraient attirer l’attention sur la menace qui pèse sur la transition. Parmi ces actions, ils soulignent les différends légitimes concernant la formation du Conseil électoral provisoire (CEP), les controverses autour de la création du Comité directeur de la Conférence nationale et la formation d’un organe chargé de travailler sur les réformes constitutionnelles.

Les signataires de l’Accord du 3 avril appellent à sauver la transition

Les parties qui ont signé le consensus établissant le cadre dans lequel fonctionne le conseil présidentiel estiment que, pour sauver la transition, les membres du CPT non impliqués dans le scandale de corruption doivent destituer les trois conseillers inculpés et inviter à nouveau la Communauté des Caraïbes (CARICOM) à entamer des pourparlers entre les six membres restants pour atténuer la crise. En outre, les partis politiques exhortent les acteurs haïtiens signataires à reconnaître la non-mise en œuvre de l’Accord du 3 avril et à œuvrer pour parvenir à un large consensus pour une gouvernance stable, garantissant la paix en Haïti.

Dans un note datée du 12 décembrele parti politique Fanmi Lavalas, dirigé par l’ancien président Jean-Bertrand Aristide, a également critiqué les membres du conseil pour avoir mal géré la transition après que Voltaire, son représentant, ait pris la tête du CPT.

Fanmi Lavalas constate l’échec du CPT huit mois après sa création, notamment face à l’insécurité croissante, à la pauvreté et au manque de respect de l’Accord du 3 avril.

« Les promesses de changement du CPT et du gouvernement dans les structures de l’État, telles que les directions générales autonomes et les autorités locales au service de la population, ne se sont jamais concrétisées. Les promesses se sont transformées en désespoir », a déclaré le déclaration lit. « Le CPT et le gouvernement ne font preuve d’aucune sensibilité ni capacité à répondre aux besoins urgents de la population. »

À suivre